Un service particulier ?
Sigil & Alecia

Il y avait bien longtemps qu'Alecia n'avait pas écrit de lettre personnelle. La petite blonde était particulièrement occupée ces temps-ci et elle se voyait mal sortir le soir pour faire la fête, surtout qu'elle n'aimait pas ça. Elle était mieux dans son petit coin, dans son appartement étroit et calme, avec sa petite boule de poil de Mysha qui ne la quittait pas d'une semelle lorsqu'elle rentrait le soir. Ses seuls allers-retours relativement plaisants avaient été pour Poudlard mais là encore ce n'était pas par nostalgie mais bien parce qu'il y avait eu un meurtre et une agression. Elle y était plus allée pour demander des nouvelles d'un de ses professeurs et lui proposer son aide, s'il en avait besoin, ce qui n'avait pas l'air d'être le cas jusque là. Le vendredi soir, alors que l'ancienne Poufsouffle sortit du ministère pour rentrer chez elle un peu plus tôt, elle se félicita d'avoir réglé une affaire avant la fin de sa semaine de travail, ainsi, elle pourrait profiter de tout son week-end pour se relaxer et faire ses courses. Rien de bien amusant en soi, mais traîner sur le chemin de traverse était une ballade hebdomadaire qu'elle appréciait beaucoup et encore aujourd'hui, avec sa bouille d'adolescente, elle passait pour l'une d'entre elles. Pourtant il y avait bien deux ans déjà qu'elle avait quitté les bancs de Poudlard. De retour chez elle, elle se rua sur ses pantoufles confortables et se laissa tomber directement dans son lit. Son appartement n'était qu'un deux pièces, une principale et une salle de bains, car elle n'avait pas les moyens de se loger sous un plus grand toit, mais cette étroitesse lui convenait fort bien, elle ne manquait jusque là de rien. Néanmoins, elle sentait que progressivement, avec son salaire, le vent pourrait tourner, mais ses économies allaient dans son coffre à Gringotts pour se payer un beau séjour en Irlande.

Plantée dans son lit comme une enclume au fond de la mer, du courrier lui vint d'une chouette du ministère car elle ne possédait pas la sienne. La lettre laissée sur la table traîna là un moment avant qu'elle eut le courage de se lever pour la lire. Alecia et son lit, une grande histoire d'amour, avec une marmotte et un oreiller bien douillet. Plantée devant sa table, elle remarqua immédiatement l'écriture de Sigil, son ancien professeur. Et il était l'exception même de la règle qui imposait Alecia à toujours considérer ses anciens tuteurs comme tels même à la sortie de Poudlard. Plus qu'un professeur, il était devenu son ami à part entière. La blonde se sentit même coupable de ne pas l'avoir cherché lorsqu'elle était venue au château, ni même de lui avoir écrit plus tôt, à croire qu'elle perdait le sens des priorités. Ni une, ni deux, malgré la fatigue, elle roula des yeux sur le parchemin pour le lire dans son intégralité, et prit elle-même un morceau vierge et de l'encre pour lui répondre, tant que la chouette était encore là, autant la monopoliser un peu plus.

« Cher Sigil,

Désolée de ne pas t'avoir écrit plus tôt. Le travail s'est enchaîné pour moi et j'ai eu peu de temps à accorder à mes petits plaisirs personnels.

Il ne faut pas blâmer tes élèves, je pense qu'aujourd'hui plus d'hier ils auront besoin des cours dispensés dans cette matière pour se défendre. Dois-je te rappeler que malgré toute l'affection que je te porte et la fascination que je porte aux étoiles, les sortilèges étaient ma matière préférée ? Tu devrais privilégier les élèves qui se passionnent pour ton cours plutôt que de courir après ceux qui ne viennent pas ! L'astronomie ne disparaîtra pas de si tôt et tes nouveaux étudiants seront bien ravis d'avoir un avis favorable et une bonne note de plus dans leurs futurs Aspics.

Pour ce qui est des agressions, je suis malheureusement au courant et j'ai proposé mon aide et mon soutien au professeur Richardson, s'il en avait besoin, cela compte pour toi aussi, bien évidemment. Je trouve cela très grave... Je sais que la directrice prendra les mesures qu'il faut mais je ne peux m'empêcher de m'inquiéter. Tu sais que moi-même j'ai subi une agression durant ma scolarité et je me sens, de ce fait, très proche de cette élève... Je lui enverrai sûrement une petite lettre de bon rétablissement ainsi que des chocolats, même si elle ne me connaît pas vraiment, je pense que le geste lui fera plaisir.

Concernant ta sortie, par Merlin ! Je ne dois pas être vraiment faîte pour les soirées ! Je suis comme le blaireau, je me complais dans mon trou... Je n'étais pas Poufsouffle pour rien, quoi que je mériterais davantage le surnom de fouine, à fourrer mon nez partout !

J'ai un poste au ministère d'ailleurs, désolée de ne pas t'en avoir parlé au préalable ! J'ai eu ma place peu après la rentrée dernière, ils ont été agréablement surpris de voir une jeune femme avec autant de potentiels et de si bonnes notes aux Aspics ! Ils m'ont même demandé pourquoi que je voulais pas m'orienter Auror ou Langue-de-Plomb... Personnellement, le département des mystères me fiche la frousse, et je préfère juger les criminels plutôt que de leur courir après, mais rien n'empêche que je rejette l'action pour autant ! Ca me manque même, de flanquer une bonne correction à certains Serpentard.

Ce serait avec grand plaisir que je passerais chez toi ! Et je suis toujours disponible pour rendre service. Je serai chez toi en début d'après-midi donc, j'apporte les gâteaux !

Affectueusement, Alecia. »

Une fois la rédaction du parchemin achevée, Alecia donna la lettre à la chouette après lui avoir donné un peu de miam-hibou, puis celle-ci s'envola par la fenêtre que la blonde s'empressa de fermer. Janvier n'était pas réputé pour son temps clément après tout.

Le lendemain, après ses courses du matin et un bon repas, la blonde prit une bonne douche et le soin de bien se préparer. N'était pas rendez-vous galant qui voulait, mais il n'empêchait que se faire belle même pour un ami n'était jamais l'effort de trop. Un peu de maquillage, un slim, un beau chemisier et une jolie veste sous son long manteau, et la voilà partie pour le domicile de Sigil. De plus, elle n'en habitait pas très loin, ce qui était un avantage. Devant la porte de son ancien professeur, Alecia prit une grande bouffée d'air et toqua joyeusement. « Allez mon petit Sigil, on ouvre vite ! Sinon je vais finir gelée sur place, et si je meurs dans la neige, je reviens te hanter tous les soirs en chantant des chants de Noël à tue-tête ! » lança-t-elle avec un grand rire.

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Cela pouvait paraître un peu surprenant venant d'elle, mais Alecia n'aimait pas beaucoup Noël depuis quelques années. C'est le jour du réveillon très exactement, qu'à sa sixième année à Poudlard, ses parents l'avaient prévenue qu'ils la mettaient dehors avec le strict minimum en ressources pour qu'elle tienne jusqu'à la fin de l'année scolaire. Depuis ce jour, toute la notion de famille dans ces fêtes de fin d'année lui échappait complètement et c'était encore pire depuis la fin de sa scolarité. Les deux derniers Noël, elle les avait passés seule ou à travailler, pour combler un peu. Elle ne pouvait pas dire qu'elle n'était pas jalouse de ces familles unies ou de ces amis fidèles qui sortaient entre eux pour fêter une nouvelle année qui approchait. Cependant, elle restait toujours conciliante et essayait d'être toujours heureuse d'aspect devant les autres, seulement, une fois chez elle, en général, son monde s'écroulait. Cette petite façade n'était pas méchante, elle ne supportait juste pas qu'on s'inquiète trop pour elle parce qu'elle avait l'impression ensuite, d'être un boulet, rien de plus.

Elle fut ravie de voir que Sigil n'avait pas tardé à lui ouvrir avec une petite plaisanterie bienvenue. "Oh, chantés par moi, tu les aimerais beaucoup moins ! Je pense vraiment que je chante comme une casserole..." dit-elle avec un petit rire avant de s'engoufrer dans le couloir montant. Elle lui donna son manteau et le suivit jusque dans l'appartement tandis qu'il faisait encore de l'humour sur sa bouilloire qui pouvait exploser d'un moment à l'autre. Alecia, un sourire en coin, se prit à le taquiner. "Tu ne dois franchement pas être débrouillard pour ne pas savoir faire chauffer de l'eau pour le thé...". Puis d'un coup de coude délicat dans les côtes du grand brun, elle éclata d'un rire cristalin. Une fois dans l'appartement, elle fut ébahie. Cet appartement était si spacieux, et si lumineux ! Elle songea que jamais elle ne pourrait se payer un tel espace, elle venait à peine de rembourser ses dettes... "Tu es bien installé dis donc ! Tu prépares de l'espace pour une conquête ?" dit-elle, souriante. "Sigil qui aurait un autre amour que celui des étoiles... Voilà qui serait tellement beau à voir !" lâcha-t-elle, sincèrement. Il méritait de ne pas être tout seul, en tout cas.

Comme elle prit place dans un canapé, attendant son thé promis déjà en lettre, elle balançant un pied levé de ses jambes croisées. "Alors, qu'est-ce qui est si important pour que tu me demandes de voler à vive allure vers toi en l'espace d'une journée ? J'espère que ce n'est pas grave... Les gens n'aiment pas les mauvaises nouvelles, mais moi elles me rendent dingue !". Elle le suivit du coin des yeux. "Mais vu tes grands sourires ce doit être une bonne nouvelle, tu as de la chance !" dit-elle en agitant la main comme si elle le menaçait gentiment de sa baguette. Oui, Alecia n'était pas méchante pour deux sous ! "Et puis j'exige un câlin, ça ce n'est pas négociable." dit-elle avec un plus large sourire encore. Rembourser Alecia n'était pas cher du tout... Il suffisait de la couvrir de câlins pour qu'elle se sente bien.

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Alecia avait beau être dotée d'un certain sens de l'humour et de beaucoup de cynisme, elle n'en était pas moins démunie devant toute l'ironie des phrases  de Sigil. Quand il s'agissait d'amour et de blagues à ce sujet, la pauvre blonde perdait souvent tous ses moyens, voire pire. Après tout, elle ne pouvait prétendre connaître quoi que ce soit à l'amour.. Lorsqu'il lui confia le fait que cet appartement était la propriété de la famille de son ancien professeur, , Alecia haussa les épaules. Comme il pouvait se considérer chanceux ! En même temps, il devait se sentir bien seul dans ce grand espace au retour de Poudlard, une chose que la blonde ne pouvait pas comprendre, même si son petit appartement ne la soulageait pas vraiment de la solitude.

Comme apparemment il avait besoin d'elle pour choisir le thé, l'ex-Poufsouffle se leva de sa place dans un fauteuil, finissant vraiment par se demander s'il savait faire du thé, enfin pour ça, elle pouvait très bien l'aider. Arrivée à son niveau, elle regarda ce qu'il lui proposait. Bien sûr, il la prit par les sentiments en lui parlant de nougat. Alecia, à cette simple évocation, aurait presque pu en baver, et comme c'était vicieux de la part de Sigil de la prendre à ce point par son point faible ! Surtout que ce n'était pas juste un péché mignon mais bien une addiction dont elle ne pouvait se défaire. Encore heureux qu'elle ne grossissait pas, sinon bonjour les dégâts !

Seulement, pour une fois, elle était prête à changer. "Je vais prendre celui à la pomme tiens, d'ailleurs un jour, j'ai goûté un thé japonais, c'est affreusement amer ! Comme quoi, tous les thés ne se..." Elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Voir Sigil s'agenouiller devant elle lui coupa le sifflet. "Sigil, qu'est-ce que tu..." Entendre ce qu'il lui demanda l'acheva nette. C'est comme si son cerveau s'était éteint et que son coeur n'avait plus de sang à pomper. Elle ne prit même pas le temps de regarder ce qu'il tenait dans la main.  Elle ne préférait PAS regarder en vérité.

Ses joues passèrent au rouge pivoine comme jamais et la surprise laissa place à un vent de panique comme elle n'en avait plus connu depuis un moment, si bien que ses doigts, ses bras, puis tout le reste se mirent à trembler. Si elle s'y attendait à celle-là ! Elle bégaya, balbutia, vacilla un premier temps avant... De littéralement s'enfuir en courant. Passée la porte d'entrée, elle dévala les escaliers en loupant la dernière marche, elle était maladroite, et plus encore à présent. Une fois dehors, sur le chemin de Traverse enneigé, elle prit une grande inspiration car elle sentait un poids sur sa cage thoracique. Etait-il devenu fou ou était-ce bien vrai, qu'avait-elle fait pour en arriver là d'ailleurs ?

Elle se dit que ce ne devait être qu'une mauvaise blague. Très mauvaise d'ailleurs car si c'était le cas, elle ne trouvait pas cela drôle, même si ça n'était pas destiné à la blesser. Elle savait que malgré sa perspicacité, elle restait une jeune fille relativement naïve et surtout fragile, et elle avait horreur qu'on s'en serve contre elle. Sa réaction parut bizarre à certains passants, cependant, aucun ne s'arrêta. Alecia elle-même n'aimait pas ces réactions qu'elle ne contrôlait, mais cela faisait un moment qu'elle était comme ça. C'était aller d'un extrême à l'autre, même si elle s'était faite soigner pour ça, là, ce n'était pas près de s'arranger...

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Alecia était encore dehors, à tenter de se calmer, et l'air froid lui donnait l'impression d'avoir des lames de rasoir dans la gorge, paradoxalement, cela lui fit beaucoup de bien et raviva ses poumons asphyxiés. Elle soupira longuement, comme certains hommes avaient de drôles d'idées, franchement ! Elle eut à peine le temps de se remettre que la porte contre laquelle elle se reposait s'ouvrit en fracas, et la blonde bascula vers l'arrière avant que Sigil, derrière elle, ne la rattrape. Elle pinça les lèvres, maintenant assez en colère. Il lui mit son plateau de thé et de confiseries sous le nez mais elle refusa poliment d'un petit revers de paume pour l'éloigner, il n'allait certainement pas l'amadouer avec ses petites attentions. Il commença à s'excuser, lui rappelant qu'il avait eu de bonnes raisons pour agir comme ça. Sauf qu'Alecia cette fois, était trop têtue pour écouter. "Tes raisons, Sigil, je ne veux pas les entendre ! On ne plaisante pas sur ce genre de sujets, bon sang ! Le mariage c'est une chose importante, pas sujet à plaisanterie !" dit-elle tandis qu'elle retournait s'asseoir dans l'escalier. Il enchaîna en disant que parfois, la jeune femme ressemblait à une certaine Narcissa. L'ex-Poufsouffle haussa un sourcil, pas sûre de comprendre où il voulait en venir, jusqu'à ce qu'il lui confit qu'il s'agissait d'une de ses élèves. Tiens donc...

Alecia n'était plus sûre de sa réaction. Il semblait bien qu'à Poudlard, pas mal de professeurs se rapprochaient un peu trop de leurs élèves... Non pas qu'elle ait son mot à dire, l'amour ne devrait avoir ni barrières ni frontières, comme celles de l'âge, mais tout de même. Si ça venait à s'ébruiter, ces professeurs perdraient leur boulot. Et il continua dans un monologue que la blonde ne comprit pas vraiment en vérité. Idée lumineuse, et nom lancés en énumération -peut-être des proches qu'il avait perdus ?-, dans tous les cas, Alecia n'arrivait plus vraiment à le suivre. Et elle n'avait sûrement pas envie de suivre non plus à vrai dire. Elle était encore sacrément remontée et ne savait pas quoi lui dire. Elle n'aimait pas ce genre de retournements de situation, quand le fautif devient le plaintif. Elle n'aimait surtout pas se voir devenir progressivement la méchante, à peu de choses près.

L'ex-Poufsouffle ne put s'empêcher de penser qu'il avait une relation houleuse avec sa mère. Franchement à son âge... Quoi que, n'était-il pas plus enviable ? Lui au moins, il avait toujours une mère, qui s'inquiétait pour lui et pour son avenir, qui voulait le voir heureux, amoureux. Celle d'Alecia lui avait clairement fait comprendre un jour qu'elle regrettait de l'avoir mise au monde, elle, le monstre. "Toi au moins, tu as encore de la famille." dit-elle, amère, comme pour le raisonner. "Il faudra un jour couper le cordon Sigil, et je ne tiens pas non plus à porter tous les espoirs de ta mère sur les épaules. Je ne la connais même pas ! Je ne veux pas faire de mal à cette femme. Invite donc celle à qui tu tiens le plus, cette... Narcissa, je suis sûre quelle sera ravie de t'accompagner, et là au moins, personne n'ira inventer de mensonges pour personne.". Elle soupira longuement. Elle n'était pas certaine de vouloir rester plus longtemps, mais ça ne se faisait pas vraiment. "Si tu es amoureux d'elle, il faut assumer ta relation. Présente-la à ta mère, tu verras, ce sera plus simple pour tout le monde, je t'assure !".

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