Thé, sucreries, nougat, tout était bon pour se refaire une santé, ou plutôt un moral. Ou encore pour se goinfrer histoire d'oublier qu'elle était une fille incapable de plaire à quelqu'un. La pauvre Alecia était d'une humeur assez boudeuse quand elle se retrouvait seule chez elle, et avait gardé la mauvaise manie de son enfance qui consistait à pincer les lèvres ou à gonfler les joues quand elle n'était pas contente. Non pas qu'elle était malheureuse, mais juste déçue. Aindreas lui plaisait, beaucoup, pourtant elle ne l'avait vu qu'une seule fois, et elle était sûre de lui avoir fait une mauvaise impression. D'un premier râteau -il avait refusé de voir un simple café avec elle- avait suivi le silence radio. Des quelques fois où elle traînait du côté de cette même fontaine au sein du ministère, il n'était jamais reparu. La blonde était même certaine qu'il ne l'aimait pas du tout, qu'il la trouvait peut-être trop timide, peut-être que son visage rond et ses joues de gamine lui avaient fait penser à une fillette, justement. Mauvaise pioche, pourtant son cœur battant s'accrochait, et durant les peines de cœurs, suivaient insomnies et gavage de sucre.

La dépendance au nougat qu'avait développé Alecia était incroyable. Elle assimilait ça aux désirs ponctuels des femmes enceintes, ou pire, aux drogués, sans tous les inconvénients malsains qui arrivaient derrière. Comme le week-end venait, l'ancienne Poufsouffle fit ses courses en début de matinée sur le chemin de Traverse. Elle avait longtemps résisté à ne pas entrer dans cette boutique, mais l'envie se fit plus forte malgré tout. C'était l'appel de la nougatine, la maléfique nougatine ! Perdue dans les rayons aussi acidulés que les bonbons qu'ils contenaient, la blonde se fit un joli paquet de ce dont elle avait le plus envie, qui débordait plus qu'il ne fallait d'ailleurs. Maladroite de base, ce paquet l'encombrait si bien, que se tournant au détour d'un passage, elle bouscula quelqu'un.

Se tournant vers l'inconnu qui se sentit obligé de justifier ce qu'il avait à la main, et pourquoi, Alecia se mit à rougir violemment quand il lui demanda si elle aussi c'était le cas, ou pourquoi elle emportait un tel stock de friandises avec elle, la blonde ne savait pas trop. Rouge comme une pivoine, elle bégaya un temps devant ce grand brun aux yeux bleus magnifiques. Pinçant les lèvres, mal à l'aise, elle se détendit en voyant son sourire et le lui rendit, toute aussi rayonnante. « Oh moi euh... Le nougat n'aide pas à gérer les insomnies, mais disons que, heum... C'est pour combler un vide. » Elle ne comprit pas pourquoi elle venait de plus ou moins se confier aussi, mais c'était venu naturellement. « Vous savez que le café, à la base c'est...  Pour ne pas dormir ? Il vaudrait mieux prendre des tisanes, j'en ai vu dans le rayon, plus loin... Enfin, ça ne me regarde pas, désolée ! » dit-elle avec de plus grosses rougeurs encore.

A ne pas en douter, c'est ce qui devait poser problème avec les hommes, sa timidité.

Le bel inconnu semblait trouver cela naturel de lui raconter ses petits problème alors qu'il la connaissait à peine. Oui, Alecia lui était tout à fait inconnue, mais elle devait avoir la bouille de l'innocence même, celle de la fille qui jamais ne trahira un secret. Après tout, elle n'était pas allée à Poufsouffle pour rien, sa loyauté ne venait pas de nulle part. Bon, elle n'allait pas lui faire de commentaire sur le manque de sommeil puisqu'elle-même était mal placée pour parler de nuits complètes, mais elle n'en était plus, du moins en ce moment, réduite à faire se succéder les nuits blanches. Au mieux elle dormait une partie de la nuit lorsqu'elle était vraiment à bout de forces, au pire elle dormait une heure ou une nuit sur deux. Bref, avec Alecia, rien n'était jamais régulier. Et c'était là tout le problème pour une fille qui de base, était une grosse dormeuse, le manque de sommeil la rendait parfois grognon mais elle faisait des efforts pour n'en rien laisser paraître, question d'habitude.

Aussi quand le brun lui demanda si c'était un vide affectif à combler pour elle, elle ne put s'empêcher de penser à sa grand-mère, puis soudain à O'Brady. Pourquoi diable revenait-il toujours sur le tapis ? Ils ne s'étaient vu qu'une seule fois, pourtant il l'obsédait réellement, si bien que ses courtes nuits en étaient agitées. Sans que le sang ne cesse de s'affoler dans ses joues, Alecia baissa la tête sur son paquet en l'entendant dire que, hommes ou femmes, c'était la même chose. La jeune femme en conclut donc qu'il devait sortir d'une rupture, ou quelque chose de ce genre, seulement elle n'avait pas à faire de commentaire. "Il semblerait..." murmura-t-elle avec une certaine gêne. Alecia n'était pas méchante pour deux sous, mais elle se savait dépendante affectueusement et parfois un peu trop... Changeante. Son moral réalisait des pic autant vers le haut que vers le bas, le tout sans régularité, ni sans prévenir. Elle avait beau se faire soigner depuis un moment, ce n'était toujours pas évident pour elle. Enchaîner la perte de sa grand-mère, sa seule famille, avec une agression, avait eu le don à l'époque de la laisser en morceaux et seul le soutien de ses professeurs et des psychomages l'avait aidé à aller mieux.

Aujourd'hui, alors que sa thérapie était finie, l'ancienne Poufsouffle regrettait presque d'être indépendante et de ne plus avoir personne pour la suivre. C'est presque si parfois elle avait besoin qu'on lui prenne la main. Perdue dans ses pensées, elle eut du mal à reprendre le fil de la conversation. "Efficace ? De ? La tisane ou... Oh ! Le nougat ! Disons que euh... Ce n'est qu'une sucrerie comme une autre, mais moi j'adore ça ! C'est franchement très bon. Je ne suis pas sûre que, heum... Ça puisse vous aider, mais bon, vous pouvez toujours tenter de goûter. Moi j'y suis accro." Elle sourit, timidement, sachant pertinemment que, malgré sa curiosité, elle n'avait pas à lui demander des comptes. Au contraire, elle était favorable à ce que les gens aient leur vie privée et qu'on les laisse tranquille. Du moins en dehors du tribunal, là, c'était une autre paire de manches, et là-bas, elle avait une telle assurance qu'on avait peine à croire que c'était bien elle.

"Personnellement, je ne supporte pas beaucoup le café... Je dois être l'anglaise stéréotypée, qui préfère vraiment le thé... Mais la tisane apaise vraiment en tout cas. Du moins, ma grand-mère m'en faisait quand j'étais plus jeune et que j'allais assez mal. L'insomnie est une sale bête... Vraiment."

Alecia était une fille des plus perspicaces. Elle n'était pas legilimens mais bien occlumens parce qu'elle ne supportait pas qu'on fouille dans sa tête, pourtant elle déduisait beaucoup de choses aux simples gestes et paroles des gens qui l'entouraient. Elle savait que cela pouvait être agaçant, elle ne le faisait pas exprès non plus, mais jamais elle n'aurait voulu mettre mal à l'aise le brun en face d'elle, ni même l'énerver. Aussi sa réaction, ou plutôt sa réponse, la perturba grandement et elle se contenta de baisser la tête sur son paquet en se demandant si, une fois de plus, elle aurait mieux fait de se taire. Pourtant il ne lui semblait pas avoir franchi une limite ni même avoir fait quelque allusion mal placée, cependant mieux valait se faire petite et s'excuser. « Désolée, je ne voulais pas... Ce n'était pas dans mon intention de vous mettre mal à l'aise ou quoi que ce soit. » Aussi, toujours rougissante, elle ne leva que tardivement de nouveau la tête vers les yeux de l'inconnu, aussi bleus qu'un saphir.

Comme il reprit la conversation et lança un nouveau sujet, Alecia put rebondir dessus. L'infrmerie, il ne pouvait y en avoir cinquante dans tout le pays. Cependant elle ne pouvait juger trop hâtivement, étant sortie de Poudlard depuis deux ans déjà, l'ex-Poufsouffle ne pouvait se tenir au courant des postes pourvus par telle ou telle personne à Poudlard, même si elle entretenait encore un échange avec quelques uns de ses ex-professeurs. Puis il lui donna son nom, Charlie, il était évident qu'elle lui donnerait le sien. « Oh, moi c'est Alecia. » dit-elle avec un sourire. « L'infirmerie dont vous parlez, ce ne serait pas celle de Poudlard, par hasard ? J'y suis retournée il y a peu pour prendre des nouvelles de l'un de mes anciens professeurs, je ne vous ai pas croisé là-bas... Si ça avait été le cas, je vous aurai certainement accosté plus vite ici. Je croise pas mal de monde de Poudlard en ce moment, ça remue pas mal là-bas... Enfin, ce n'est pas le sujet et je pense que ce n'est pas très bon d'en parler ici... » Surtout quand le ministère voulait garder l'affaire secrète et qu'il y avait bien trop d'oreilles indiscrète dans les environs. Pourtant, en tant qu'infirmier, il était le premier concerné.

« Pour ma part je travaille au Magenmagot, alors les insomnies ça aide à... boucler des dossiers en retard on va dire. ». Le magasin commençait à être bondé de monde et Alecia n'était pas très à l'aise dans les grandes foules, aussi elle l'invita à passer à la caisse à sa suite, histoire de ne pas risquer la crise de nerfs au milieu de quelques dizaines de personnes. Elle passa le paquet au vendeur, paya son tribu puis se retourna vers Charlie. « Ça vous dit de discuter encore un peu sur le chemin ? »

Alecia était ravie de pouvoir plus ou moins parler de Poudlard, sauf que la période n'était ni aux réjouissances, ni aux doux souvenirs. Il faut que le peu qu'elle savait, elle avait gratté pour l'obtenir et que le fait de ne pouvoir rien faire l'enrageait atrocement. Le professeur Richardson lui avait fait clairement comprendre que c'était aux Aurors qu'incombait de faire ce travail de recherche et de traques d'éventuels mages noirs et qu'elle n'était encore qu'une trop jeune femme pour se lancer dans ce genre de choses. La blonde l'avait très mal pris. Si elle-même était devenue Auror, il aurait tenu un discours différent, elle en était sûre. Ou du moins il n'aurait pas pu remettre en cause sa motivation et son envie de se rendre utile.

Une fois la réponse obtenue de Charlie, elle sortit du magasin, son plein paquet dans les bras qui débordait de friandises en tous genres, si bien qu'elle en avait déjà l'eau à la bouche. La remarque qui suivit du jeune homme la conforta dans son ego. En effet, on lui faisait souvent remarquer qu'elle était bien jeune pour avoir réussi à occuper un poste au magenmagot, mais elle ne répétait pas assez qu'elle avait travaillé dur, qu'elle s'était acharnée à prouver qu'elle avait de la valeur et surtout : du potentiel. Aussi, flattée, elle se mit à rougir de nouveau et à lâcher un petit rire heureux qui eut presque l'air d'un couinement de chiot. Cependant la flatterie laissa rapidement place à un arrière-goût amer : Apparemment lui, n'avait pas l'air d'apprécier la chose. Où était donc le problème ?

Elle ne le connaissait pas encore très bien mais ce qui était sûr, c'est qu'avec lui il était facile de partir du rire pour arriver aux larmes, façon de parler, elle revint à un stade de mal-être qu'elle eut du mal à cacher, certainement autant que lui. L'air à semi-dépité semi-impressionné du jeune homme à côté d'elle lui donna l'impression d'avoir un poignard gelé au fond de la gorge qui la privait de langage. Serrant son sac entre ses petits bras charnus, l'ancienne Poufsouffle se força d'un sourire pour tenter de détendre l'atmosphère. « Oh, ce n'est pas grand chose, je n'ai pas encore beaucoup de responsabilités vous savez, ni beaucoup de contacts, alors euh... Oh ! Ils ont sorti un nouveau Nimbus ? » dit-elle en pointant une vitrine sur le chemin, sans se priver de se ruer vers celle-ci. « Quelle merveille, non ? Si l'Angleterre avait ces balais, je suis sûre qu'ils deviendraient champions du monde ! Oh mais... Non, ce serait contre les irlandais... Merlin, ce dilemme ! Vous aimez le Quidditch, Charlie ? C'est que vous avez des épaules larges et presque la silhouette d'un batteur ! » lâcha-t-elle sur un ton de nouveau amusé.

La jeune femme, après avoir longuement examiné le bois du balais, ses freins, et lu les pancartes qui en vantaient les mérites dans le longues énumération hyperboliques, se retourna de nouveau face à l'allée. Elle songea, bizarrement, à la fête des amoureux qui s'approchait lentement mais sûrement, en se demandant si oui ou non d'ici-là elle obtiendrait un seul mot d'O'Brady autre que « bonjour », « oui » ou « non ». Elle se mordit l'intérieur de la joue. Déjà qu'elle avait très mal pris la blague de Sigil, alors passer la St-Valentin avec quelqu'un ! Non, elle ferait ça toute seule, comme les années précédentes. « Bon eh bien, que faisons-nous désormais ? »

L'équipe de Quidditch d'Irlande, Alecia en était folle. Même si les anglais avaient un bon niveau et qu'ils demeuraient l'équipe nationale de sa patrie de naissance, ce n'était rien en comparaison des beaux joueurs en vert. Il arrivait même à la blonde de fantasmer sur deux ou trois revues de ces gagnants bien battis, même si ce n'était que de la poudre aux yeux. La jeune femme ne savait plus trop d'où elle tenait cette fascination pour les irlandais. Sans doute était-ce, au fil du temps, pour contredire son père qui restait un fidèle patriote anglais, et qui rageait à chaque match de rugby contre ces voisins mal-aimés. En plus de ça, une fois lancée, il était difficile de l'arrêter.

"J'adore les irlandais, vraiment ! Je crois que je les supporte depuis un long moment déjà, pas juste parce qu'ils sont de bons joueurs et qu'ils gagnent. Ils ont un pays fabuleux. Je crois que dès que j'ai assez d'économies, je me prends un studio quelque part là-bas et peut-être une maison qui donne sur les falaises un jour... Enfin je parle, je parle... Désolée.". Elle se mit à rougir bêtement, puis fixa le balai un moment avant que Charlie ne l'invite à aller boire un verre. Sans doute rougit-elle plus violemment encore, elle était cachée derrière ses boucles blondes et n'osa pas répondre de suite. Mais après tout pourquoi pas, ce n'était pas comme si elle perdait sa journée. "Oui, pourquoi pas, ça peut être sympa." dit-elle sur le tas.

Alecia ne savait plus trop quoi dire. Autant il n'y avait pas grand chose à penser, autant elle était aussi rouge qu'une pivoine. La gêne de l'innoncence, autant ça lui avait joué des tours, autant aujourd'hui ça la défendait souvent, comme une armure. Les mecs ne cherchent pas à traîner avec une fille qui trembloterait au simple effleurement de sa main. C'était très utile pour elle. Et lorsqu'elle en avait besoin, elle s'avérait une fleur avec beaucoup d'épines. Quoi qu'il en soit, la logique voulait qu'ils arrivent au chaudron baveur. C'était un peu le rendez-vous de tous les sorciers à Londres, mais même en connaissance de causes, Alecia n'y avait pas ses habitudes, comme elle avait pu en avoir aux Trois Balais.

C'était moins bondé que dans ses souvenirs et elle n'eut pas trop de mal à se trouver une place avec Charlie. La boule au ventre, elle se cacha derrière la première carte de boissons qu'elle trouva. Autant pour vraiment se cacher que pour trouver quelque chose à boire alors qu'elle avait déjà choisi à peine la porte d'entrée franchie. "Je vais prendre une bière au beurre, je pense... Ouip.". Même si ce n'était pas alcoolisé, elle se sentirait sans doute mieux avec un verre sous la main. Après tout elle ne tenait pas l'alcool et ne voulait pas vraiment se retrouver sur le sol à baver. Elle chercha, durant le laps de temps que leur boisson respective leur soit servie, un nouveau sujet de conversation qu'elle eut bien du mal à trouver. Que dire ? Ils en étaient passés par leurs petites habitudes, leur métier, le Quidditch... La blonde eut l'impression d'avoir épuisé son stock alors qu'elle était d'habitude un vrai moulin à paroles.

Sans doute pire que de parler de la météo entre bon et mauvais temps, elle n'eut rien de mieux à balancer que le sujet des origines. "Alors, heum... D'où venez-vous ? Vous êtes anglais ? Je veux dire, de base. C'est que beaucoup d'étrangers viennent travailler ici, enfin surtout au ministère.".

"Malheureusement non... La coupe de Quidditch a toujours été trop chère pour moi, je ne pouvais pas me permettre d'y aller. Et surtout pas seule." Bon. Dis comme ça, elle donnait presque l'impression d'être une gamine solitaire sans amis alors que ce n'était pas vraiment le cas. Elle en avait des amis, mais le plus souvent ils étaient professeurs. L'une des exceptions à cette règle ? Lysander, qui était encore à Poudlard, mais il comptait plus comme un petit frère que comme un ami, la différence était à souligner. Amusant quand on sait qu'elle-même n'était pas fichue de s'occuper d'elle en général, ou plus spécifiquement de se défendre. Enfin là encore, c'était plus vrai à l'époque. La coupe du monde de Quidditch ? Oui, elle aurait tout donné pour y aller, un rêve d'enfant persiste souvent jusqu'à l'âge adulte quand il est réalisable. Comme le rêve d'avoir une jolie maison, un mari, des enfants, un grand jardins, des falaises pas trop loin... Ce genre de rêves tous simples qui pourtant, elle le savait, ne se réaliseraient sans doute jamais. Pourquoi deviendraient-ils vrai après tout ? En quoi la vie allait lui dire dès demain "D'accord, je t'accorde au moins ça, après tout ce que tu t'es pris dans les dents.". Pourtant ce n'était pas faute de se battre.

Une fois sa bière au beurre entre les mains, elle se sentit un peu mieux, et une gorgée lui fit éloigner ces pensées. Non, malgré ses jolis sourires et son air d'adolescente joyeuse, Alecia était loin d'être une jeune femme heureuse et tout à fait épanouie. Mais elle se privait bien de le dire, à tout le monde, même à ses amis. Parce que Ky  avait déjà assez à faire, que Sigil se rongerait les sangs, Lysander lui avait mieux à faire, comme réussir ses études. Alecia s'était elle-même piégée dans sa carapace et depuis longtemps. Sauf que lorsqu'on commence à mentir sur son état, on arrive difficilement à arrêter. Certes, elle était sortie de son état de post-trauma, mais elle en avait toujours gardé des séquelles. La peur du contact et paradoxalement cet attachement quasi parasite aux autres. Sa nette incapacité à tisser des liens affectifs et amoureux avec les gens. L'insomnie ou les phases de sommeil lourd. Ce genre de choses. Mais ils en étaient arrivés à un tout autre sujet à présent.

"Oui, vous avez sans doute raison. C'est aussi ce qui le rend si dangereux. Mais Beaux-Bâtons a aussi très bonne réputation. J'ai déjà moins confiance aux sorciers qui viennent de Durmstrang... Je ne sais pas pourquoi, ils me font peur.". Surtout que son présumé agresseur de l'époque venait apparemment de cette école. Ça aussi, ça marque. La blonde aurait pu parler de ses parents aussi, mais quels parents ? De ce père qui l'enfermait, ou de sa mère qui lui hurlait qu'elle était un monstre en la menaçant avec un chandelier si elle s'approchait trop ? Une fois elle était même retournée à Poudlard avec 6 points de suture sur l'arcade. Elle n'était plus jamais restée pour les petites vacances de périodes depuis. Quant aux grandes vacances... Elle les passait souvent enfermée, ou dehors, à traîner les rues, une fois dans l'adolescence. "Ma grand-mère était anglaise aussi.". Mieux valait parler de sa grand-mère, elle seule la comprenait en son temps. "Ça faisait un moment que je n'étais pas venue ici... C'est vraiment gentil de votre part de m'offrir un verre, surtout à une inconnue...". Puis en un sens, Alecia n'avait pas envie de se méfier de lui. Entre personnes qui souffrent, on se comprend.

Alecia avait tellement de choses à faire et à découvrir qu'elle se disait qu'économiser était décidément une bonne idée. Se trouver un meilleur logement, aller en Irlande, voir un match de coupe du monde de Quidditch... La liste était longue, le porte-monnaie de la blonde un peu moins. Néanmoins, travailler au Magenmagot rapportait vraiment bien et elle commençait à avoir un train de vie plutôt agréable. Il lui fallait juste quitter son placard à balais, façon de parler. Parfois l'ancienne Poufsouffle étouffait là-bas et elle ne pouvait organiser aucune soirée ni aucun repas. Ca pouvait vite devenir dérangeant et elle ne pouvait dépendre éternellement de l'hospitalité de Sigil. "Oui, il y a une super ambiance paraît-il. J'essayerai d'avoir une place pour la prochaine coupe, à l'occasion. En espérant qu'elle se déroule dans le pays cette fois.".

Concernant ce qui se passait dans le pays actuellement, on aurait pu rassurer Alecia avec des théories, des preuves "en veux-tu, en voilà", elle était anxieuse par nature et ne savait que se montrer pessimiste. Pis, elle travaillait au Ministère, en étroites relations avec d'autres départements. Elle savait qu'il se passait quelque chose. Elle savait qu'il y avait des affaires louches qui traînaient dans les bureaux de ses supérieurs et que personne ne voulait en dire davantage. Mais tôt ou tard sa curiosité et sa perspicacité lui poseraient de sérieux problèmes. Elle avait juste un très mauvais pressentiment. Seulement elle ne pouvait pas vraiment en parler en dehors du Ministère. Sans doute allait-elle en discuter avec l'un de ses collègues les plus proches. Dans tous les cas, elle fit passer son malaise pour de la timidité et ne poursuivit pas davantage sur le sujet, qui était relativement tendu. Comme pour le ministre, qui était le premier à pâtir de ce temps de crise. Les gens avaient cru à une mauvaise blague un premier temps, seulement depuis que les rumeurs filtraient par rapport à Poudlard et que le Ministère se montrait hermétique, énormément de sorciers commençaient à vouloir la démission du ministre de la magie.

Quant au sujet des rencontres avec des inconnus, Alecia n'était pas très convaincue. Pas parce qu'elle préférait se la jouer ermite, juste qu'elle avait eu de mauvaises expériences et qu'elle ne tenait pas à recommencer. Elle n'osa pas trop le dire, mais elle pensait effectivement que les femmes ne pouvaient pas se montrer aussi confiantes que les hommes en général. Ni aussi opportunistes avec les gens. Parce qu'elles étaient plus vulnérables face au premier taré qui traînait. Bien que les baguettes donnaient une puissance équivalente entre hommes et femmes, selon leur dextérité, sans, elles ne pouvaient rivaliser en force brute. Sur ce point, elle trouvait l'être humain vraiment mal façonné. "Je ne sais pas trop... Je ne pense pas que ce soit si évident que ça, on ne sait jamais sur qui on va tomber. La vie offre parfois de bonnes surprises, mais il ne faut pas oublier qu'elle en réserve de mauvaises aussi." dit-elle assez amèrement. Enfin en l'occurrence la surprise était bonne, mais on avait tellement tendance à se laisser dépasser par les aléas de la vie ! "Bien sûr, là tout de suite, je suis ravie ! Je veux dire... Il ne faut pas prendre ça pour vous." lâcha précipitamment Al, les joues rouge tomate. Charlie n'était certainement pas le plus fou des deux !

La blonde finit sa bière au beurre, l'air de rien, l'heure tournait et Alecia n'aimait pas trop traîner aussi tard. Cependant la compagnie de Charlie lui était agréable. Rien n'empêchait qu'ils remettent ça à nouveau. "Dîtes, je ne peux pas rester trop tard, je ne veux ni abuser de votre temps... Mais ça vous dirait de remettre ça autour d'un nouveau verre ? Enfin ce n'est pas un rendez-vous ! Juste l'occasion de discuter à nouveau." bégaya-t-elle presque. Toutefois elle n'avait réellement rien derrière la tête, l'occasion de pouvoir discuter tranquillement ainsi était si rare qu'elle ne pouvait passer à côté de la chance de se faire un nouvel ami. Ça faisait très puéril de le dire comme ça, comme si elle était encore à Poudlard. Mais la nuance était pauvre. Ils étaient dans le même cas. "Vous êtes partant alors ? Ca peut être chouette à l'avenir.". Entre amis accrocs au café ou au nougat.