Quatre mois. Quatre mois que je suis enceinte - à peu près selon Medee. Je devrais peut-être pas m'en remettre autant à cette jeune femme, mais je ne parviens, clairement, pas à faire autrement. Quatre mois que je cache aux autres ce que je ne vais, bientôt, plus pouvoir dissimuler. Les vêtements un peu amples, les pulls hivernaux me permettent encore de faire illusion, d'autant que j'ai assez peu pris - et sans doute que mon état de santé psychologique assez précaire joue pour beaucoup à ce niveau -, mais... Après les fêtes, ce ne sera clairement plus possible.
Lesli est revenu au Ministère, et soyons honnêtes, j'ai fait mon possible pour l'éviter. Nos affectations sont différentes, et nos emplois du temps chargés ont fait le reste, mais le temps ne jouera pas en ma faveur, je le sais. Il est marié, il va être papa, à nouveau, prochainement, les bruits de couloirs m'ont tenue informée et si je suis heureuse pour lui, je ne peux pas m'empêcher de comparer ma situation plutôt précaire à la sienne. Et de l'envier, un peu, aussi.
On est le 31 décembre, et je devrais me ménager. Dixit mon infirmière attitrée. Pourtant il commence à se faire tard, et je suis toujours à mon bureau, plongée dans une pile de dossiers dont je ne vois plus le bout. Je n'avais pas vraiment envie de fêter le nouvel an, de toutes les façons, loin de Lily, ça n'avait pas vraiment d'intérêt, mais ce n'est, malgré tout, sans doute pas la façon la plus réjouissante de passer la nuit de la Saint-Sylvestre. Et il faut dire ce qui est, j'ai passé plus de temps à extirper un cliché déjà passablement abîmé de mon portefeuille qu'à réellement avancer sur mon travail.
Je me souviendrai toujours de son sourire. C'est peut-être la seule chose qu'il me restera de lui, cette photo que je passe mon temps à triturer. Et l'enfant que je porte, et que je crains de ne plus pouvoir élever correctement.
Je suis plongée dans ces pensées plus ou moins mélancoliques quand les douze coups de minuit commencent à sonner, bientôt rejoint par un vacarme bien moins anodins. Et mon sang se glace comme je ferme les doigts sur ma baguette. Non... non, non, non. Pas maintenant. Pourquoi je suis restée au juste ? Si j'étais partie plus tôt, comme la majorité de mes collègues en réalité, mon bébé ne risquerait plus rien. Mais là ? Cloîtrée dans mon bureau, toujours assise sur mon fauteuil, je ne bouge plus d'un poil, l'air stoïque alors que l'angoisse fait bouillir mon sang dans mes veines. Je n'ai aucune idée de ce qu'il se passe réellement, pas de détail sur ce(ux) qui attaque le Ministère ce soir. Tout ce que je sais, c'est qu'à un moment ou à un autre, cette porte va s'ouvrir, mais...
... Sur qui ? Ami ? Ou ennemi ?