Cela faisait une semaine que Lucie était retournée en Angleterre. Sans plus de cérémonie et après une lettre pleine de bons sentiments adressée à une certaine Lukeither, la brune avait fait ses bagages en quatrième vitesse, en prévenant ses proches, sa famille, sans que ceux-ci comprennent vraiment comment leur fille fonctionnait. Elle avait quitté l’Angleterre à cause de Darcy, aujourd’hui elle y retournait pour lui. Néanmoins ses parents étaient conscients que cette décision hâtive, loin d’être tellement réfléchie, avait une bonne raison d’être. Le bonheur de leur fille passait avant tout le reste, et son refus de se fiancer à l’un de ses amis trouvait maintenant ses raisons. Son coeur était déjà pris et ce depuis longtemps, elle n’en avait simplement pas eu conscience au bon moment. A l’époque, son esprit était partagée entre deux hommes et elle les perdit tout aussi brutalement, l’un comme l’autre. Dragan disparut de la circulation, ne donna plus de nouvelles ni ne fit apparition à Londres. Darcy ne voulait ni lui parler, ni entendre parler d’elle. Alors à ce moment-là, elle avait préféré repartir en France, vexée, son ego en ayant pris un coup. Mais la réflexion qui se fit ensuite en fut d’autant plus amère. Elle se dit qu’elle avait été égoïste, impulsive, et qu’elle aurait dû donner son coeur à Darcy comme elle le voulait, au plus profond d’elle-même. Il n’y avait que lui pour l’appeler Espérance, comme il n’y avait qu’elle pour encore l’appeler Darcy. C’était peut-être un détail anodin, mais pas pour eux. Qu’une personne vous fasse aimer un prénom que vous détestez est une chose, que cela vous rende heureux en est une autre.

Débarquée d’Angleterre, elle put retrouver son ancien appartement sur le chemin de Traverse comme c’était le cas à l’époque. Pour son poste de médicomage, c’était déjà moins certain. Elle avait tout plaqué du jour au lendemain et la jeune femme ne se considérait pas plus génie qu’un autre, elle se fondait dans la masse au travail même si elle y mettait beaucoup de coeur. Seulement elle avait eu la chance de bénéficier d’une lettre de recommandation de son supérieur en France, aussi, lorsqu’elle revint à Ste Mangouste pour demander si une place était libre, son dossier de candidature passa parmi les premiers. Ils la connaissaient bien, en plus de ça, et malgré leurs quelques réserves, elle passa un entretien dans la semaine et récupéra un poste, lui assurant une situation stable. Le plus dur était pourtant encore à faire. Retrouver Darcy et engager la conversation serait certainement difficile. Ces deux-là avaient tendance à partir au quart de tour et à s’envoyer des assiettes à la figure pour ensuite finir dans le même lit, sauf que la dernière fois n’avait pas pardonné. Lucie ne se sentait pas prête, mais elle l’était aujourd’hui. Elle espérait au fond de son coeur que Darcy ait gardé ses sentiments vis-à-vis d’elle, mais des mois avaient passé, qui savait s’il ne s’était pas trouvé quelqu’un entre temps ? La jeune femme en doutait, sinon l’amie de ce dernier ne l’aurait pas contacté. Du moins elle désirait y croire. Si elle était venue pour le soutenir, lui faire remonter une pente difficile et horriblement abrupte, elle désirait vivre avec lui, passer ses jours et ses nuits avec lui, si ce n’est plus. Son affection envers lui avait tellement grandi, s’était tant magnifié, qu’elle ne pouvait actuellement pas s’imaginer avec une autre personne. Ce serait difficile, mais elle était déterminée à lui prouver que cette fois elle était sincère.

La chance voulut que Darcy travaille à Ste Mangouste cet été, aussi il n’était pas difficile de deviner son emploi du temps en conséquence. L’hôpital organisa une sorte de petit garden dans la semaine qui suivit l’embauche de Lucie, pour fêter les départs de certains médicomages qui prenaient une retraite bien méritée et même si son humeur ne s’y prêtait pas, Lucie ne doutait pas que l’homme de ses rêves y prenne part. Elle avait pour l’occasion sorti une jolie robe rose ainsi qu’un chapeau et des escarpins assortis, pour le charme et l’élégance. Elle avait même pris un petit éventail qu’elle trouvait très distingué. Cela faisait très moldu, mais elle-même de sang-mêlée, le jeu s’y prêtait. Un premier temps, il lui fut impossible de le trouver, à croire qu’il n’était réellement pas venu. Dépitée, elle se lança dans une conversation avec son chef de service sur les événements récents, sur ce qu’en pensaient les sorciers français et sur le fait que la société était agitée. Lucie le savait pertinemment, elle était aussi entre autre revenue pour ça. Une fois la discussion achevée, elle décida de se mettre un peu à l’écard et de se balader dans les jardins anglais. Elle était déçue que Darcy ne soit pas là et ne savait pas dans quelle autre occasion elle pouvait le rencontrer. Elle se posa du côté d’une fenêtre où personne ne s’était présenté et agita son éventail, agacée. Comment ferait-elle ? Lui dire bonjour, lui demander s’il allait bien… Non, cela leur ressemblait tellement peu ! L’ambiance serait électrique, pour sûr… Et comme une prise de conscience, elle sentit que le courant venait de s’installer. Se retournant, il était là, non loin d’elle, et comme à son habitude, elle réagit au quart de tour.

— Eh bien ! Tu te montres finalement ! dit-elle en agitant son éventail brodé. J’ai cru être revenue ici pour rien, et cela m’aurait nettement contrariée !

Comme elle pouvait s’en douter, Darcy alla immédiatement dans le vif du sujet, ce qui n’étonnait pas la brune. Elle ne s’était jamais imaginé la scène comme dans un film à l’eau de rose, où la jeune fille court sous la pluie jusqu’aux bras de son fiancé et où tout se finit bien. Elle-même manquant un peu de tact, elle savait qu’il répondrait à la fois sur la défensive et sur l’offensive et en soit elle ne pouvait que lui donner raison malgré son ego. Seulement, elle pouvait lui donner autant raison, elle n’en oubliait pas pour autant que lui-même lui avait fait le tour une fois, en la laissant seule au monde, sans nouvelles pour partir en Ecosse et ne revenir que comme une fleur ensuite. En cela, ils étaient pareils et avaient les mêmes réactions pour la plupart.

— J’imagine que maintenant nous sommes quites ! Toi avec l’Ecosse, moi avec la France, chacun a lavé son linge ! dit-elle avec dédain.

Oui, il avait le don de l’agacer naturellement et de la faire sortir de ses gongs en un rien de temps avec son caractère de chien et ses provocations à une mornille, mais c’est ainsi qu’elle l’aimait et qu’elle l’avait toujours aimé. On dit bien souvent qui aime bien châtie bien et si entre eux ça s’est toujours fini en dispute, c’est bien qu’ils n’ont jamais su prendre la décision de se mettre ensemble ! Si les deux s’étaient décidé à faire le pas ensemble, en même temps, aujourd’hui ils auraient déjà construit quelque chose de solide, mais ils n’étaient pas dans un conte de fées. Du moins pas à cet instant. A sa deuxième pique, Lucie agita plus vivement encore son éventail, de plus en plus agacée. Pourtant à chaque fois qu’elle posait les yeux sur les siens, le bleu si intenses de ses iris la faisaient chavirer. Foutue tête de mule d’être aussi beau, c’en devenait presque indécent !

— De ce fait je ne viens pas m’excuser ! Je suis venue te soutenir et j’ai fais au plus vite, alors ravale un peu ton ego et arrête de hausser le ton !

Elle savait que jouer la provocation avec lui n’était pas une très bonne idée mais c’est ce qu’elle recherchait. Il avait tendance à tout garder pour lui et à ne jamais trop extérioriser ses sentiments. Alors si elle pouvait enfin le faire exploser pour de bon, il irait sans doute mieux après coup. Ainsi elle se retourna vers lui, grimaçant presque, avant de lui donner un coup d’éventail sur l’épaule, dans un geste outré.

— Et arrête un peu ! Je suis revenue de France exprès pour toi et toi tu m’accueilles en m’agressant ! Montre-toi courtois pour une fois, tu aurais pu me dire “Bonjour !” ou encore “Ca faisait longtemps !”. Ouuh ! Je te déteste ! ajouta-t-elle comme pour le défier.

Pourtant Lucie était loin de le détester, au contraire, elle l’aimait de tout son coeur mais partis comme ils étaient, le ton ne ferait que monter… Même si la brune le regrettait amèrement, il fallait bien lui enlever ce poids. Elle était revenue pour ça, pour qu’il cesse de se faire autant de mal et qu’il se pardonne un peu, comme qu’il lui pardonne à elle. Ils avaient chacun leurs tords bien évidemment, mais lui passait avant toute autre chose à ce moment précis. Espérance allait ni le laisser tomber, ni le laisser couler, parce qu’il représentait tout pour elle et que s’il allait mal, elle ne s’en sentait pas bien en conséquence, comme si sa petite planète personnelle tournait à présent autour de Darcy.

Ce toupet qu’il avait ! A lui balancer le fait qu’elle soit partie alors qu’il lui avait avoué ses sentiments comme ça à chaque fois qu’elle ouvrait la bouche. Comme si ça lui plaisait de l’entendre et qu’elle ne s’en voulait pas. Elle lui avait bien demandé de lui laisser du temps, elle ne se sentait pas prête à l’époque, et pourtant, il était monté sur ses grands chevaux et avait piqué la crise du siècle, quittant l’appartement comme une furie. Ca aussi Lucie ne l’avait pas digéré et ça lui faisait encore mal. Elle avait l’impression que jamais il ne lui avait fait confiance et que son égoïsme passait avant tout. Ils ne cessaient de se renvoyer la balle, et Lucie ne put s’empêcher de marmonner que c’était ainsi, qu’il n’avait qu’à continuer, pas comme s’ils avaient mieux à faire. Lorsqu’il lui dit qu’il n’avait pas besoin de soutien et qu’il se sentait bien, elle ne put réprimer un petit rire.

— Tu plaisantes j’espère ? dit-elle avec une pointe d’inquiétude dans la voix. Je te connais bien Darcy et je sais quand ça ne va pas, et là ça ne va pas, tu le portes sur ton visage. Tu peux berner qui tu veux mais pas moi, désolée.

Elle ne savait pas par quel bout le manier celui-là alors, sans mauvais jeu de mot. Il fallait bien faire sortir tout ça, ce n’était pas en gardant toute sa colère et toute sa tristesse à l’intérieur qu’il réussirait à passer le cap. Certes, elle ne pouvait lui jeter la pierre. Il venait de perdre son père et Lucie ne pouvait imaginer ce que ça lui ferait de perdre un parent. Surtout suite à une attaque de mangemort, c’est bien la pire des choses possible. Elle n’en revint pas d’ailleurs quand il lui piqua son éventail pour lui redonner un coup. La bouche entre-ouverte, elle récupéra ce dernier et lui redonna un deuxième coup, il n’y avait pas de raison. Il reprit ses mots et lui dit qu’il la détestait d’être partie, mais aussi qu’elle lui manquait aussi. Lucie resta bouche-bée et conserva le silence quelques instants, réfléchissant. Elle ne savait pas vraiment quoi dire. La logique aurait voulu qu’elle se pende à son cou et qu’elle lui avoue ses sentiments. Mais Lucie était vraiment… Un cas, assez complexe. Elle avait vraiment beaucoup d’ego et n’arrivait pas à le laisser l’avoir de cette façon.

— Oui eh bien... dit-elle en s’avançant tout près de lui comme pour le narguer. Je te déteste la première.

C’était véritablement de la provocation, mais c’est ainsi que cela avait toujours fonctionné entre eux, non ? Alors pourquoi changer une équipe qui gagne… Ou presque. Il y avait du moins du progrès, et peut-être qu’elle devrait faire des efforts aussi, mais elle ne pouvait lui avouer ses sentiments comme ça de but en blanc, pourtant elle le voulait vraiment. Cet homme là lui faisait un tel effet, même si elle voulait s’en éloigner à des milliers de kilomètres, elle reviendrait toujours vers lui, quoi qu’il arrive. Ils étaient comme des aimants. Il avait sale caractère, il avait le don de la mettre hors d’elle, de toutes les façons, en bien ou en mal, mais c’est de lui comme ça dont elle était tombée amoureuse.

Lucie sentait son estomac se nouer à chaque fois qu’ils se lançaient la pierre, on aurait dit un match de badminton avec des rochers aussi lourds que leurs maux respectifs, à peu de choses près que les sentiments de Darcy pesaient plus lourds que les siens. Elle aurait voulu lui dire que ça irait, qu’elle était là, que la peine, aussi dure soit-elle à encaisser, finirait par passer, et que les mangemorts ainsi que le meurtrier de son défunt père finirait par être attrapé et envoyé dans une cellule à Azkaban. La médicomage eut comme l’envie de le serrer dans ses bras, comme une mère l’aurait fait avec son enfant en pleurs. Elle ne savait pas si elle devait camper sur ses positions ou au contraire devenir enfin raisonnable. A chercher la petite bête trop longtemps, elle aurait pire que le résultat escompté.

— Darcy, je...

Espérance baissa la tête alors que les mots ne lui vinrent pas. Ce n’était pas aussi simple que cela, au premier abord, alors qu’il lui suffisait d’un geste, un simple mouvement, et la situation se débloquerait d’elle-même. Comme toujours, Darcy était bien le plus raisonnable des deux. Il lui dit qu’il était le premier à l’avoir aimée, ce qu’elle ne pouvait contester, il avait parfaitement raison, sauf que ses sentiments étaient aujourd’hui partagés, elle devait simplement lui dire, lui avouer enfin, maintenant qu’ils étaient réunis. Elle releva la tête et voulut s’exprimer, mais il la ramena vers lui et l’embrassa, si bien que les chevilles de la brune faillirent vaciller. C’est comme si l’histoire se répétait entre eux, à défaut qu’elle ne tenait pas à une nouvelle séparation. Le fait indéniable était qu’il embrassait toujours aussi bien et qu’il y mettait toujours autant de passion. Espérance adorait cela chez lui, c’était certainement l’une des choses qui lui avaient le plus manqué. Elle passa les bras autour des épaules du brun et prolongea son baiser un court instant avant de se reprendre, la colère complètement passée, sa vexation également. Elle le regarda dans les yeux, comme pour lui prouver qu’elle était honnête. S’il l’avait embrassée et dit ça, c’est qu’il était encore amoureux, non ?

— Je t’aime, idiot. C’est pour ça que je suis revenue de France.

C’était dit, et elle eut l’impression qu’un poids lui était retiré de l’estomac et que des papillons y faisaient à présent la fête. Alors c’était cela, que l’on ressentait en étant amoureuse et en pouvant enfin le dire et le vivre ? La jeune femme se sentait vraiment idiote de ne pas l’avoir dis plus tôt alors qu’elle l’aurait pu. Tout ça à cause de cet entêtement. Mais la chance semblait lui sourire, puisqu’ils semblaient tous deux pouvoir rattraper le temps perdu, et Lucie ne demandait que ça.

Lucie ne se sentait bien que dans les bras de Darcy. Toutes les relations qu’elle avait eues avant lui lui semblaient si obsolètes et dérisoires ! Il avait les grands bras rassurants qu’elle recherchait chez un homme, un regard et un sourire magnifiques, un caractère certes à prendre avec des pincettes, mais c’est ce qui faisait son charme, il campait sur ses positions, avait des principes auxquels il ne dérogeait jamais. La jeune femme n’était pas certaine de lui arriver à la cheville ni même d’avoir le dixième de sa valeur morale, mais elle voulait faire des efforts, tenter de lui être suffisante, de le rendre heureux et vivre sa vie avec, comme elle le voulait depuis des mois déjà. Il y avait énormément de gens qui tombaient amoureux, qui se mariaient et divorçaient, par principe, par idéologie, pour avoir une meilleure situation. Tant de gens qui finissaient dans les désillusions sur l’amour, qui se séparaient sans jamais se retrouver, mais la brune ne se sentait pas de ces deux là. Certes ils avaient eu leur lot de disputes, de coups durs, n’avaient jamais fait le pas, mais Espérance était aujourd’hui certaine d’avoir trouvé son âme-soeur.

— Tu remercieras ton amie. Je voulais venir depuis un moment déjà, mais je n’osais pas, c’est elle qui m’a convaincue.

Elle-même devrait la remercier comme il se doit. C’était grâce à elle si Espérance était revenue en Angleterre. Certes, elle attendait sans doute une raison, mais ça avait été finalement plus fort qu’elle et ne pas lui renvoyer une lettre ne serait pas poli, surtout quand elle avait permis à Darcy et Espérance de se retrouver. Alecia, ou quelque chose comme ça… Une jeune femme apparemment très perspicace. Quoi qu’il en soit, Darcy embrassa la médicomage une seconde fois, lui arrachant un sourire heureux et un petit rire joyeux. Comme elle se sentait bien ! Lorsqu’il lui demanda si elle voulait partir, elle hocha la tête.

— Je n’osais pas le demander ! dit-elle avec un petit sourire.

Elle lui vola à son tour un baiser, long et passionné, avant de se reculer un peu et de faire un clin-d’oeil aux personnes qui les regardaient au loin. Elle sourit de nouveau à Darcy et se lova dans ses grands bras, n’attendant pas plus longtemps pour transplaner avec lui et obtenir ainsi un peu d’intimité bien méritée et longuement attendue.