«
Papa… Regarde, il y a une erreur. » demanda Mélissandre, absorbée par l’une des photographies magiques de l’arbre généalogique. Interloqué, son père approcha et déposa une main sur l’épaule de son enfant. Il mit quelques secondes afin de lui répondre, comme s’il avait besoin de chercher ses mots. Au final, il appela sa femme d’une voix légèrement angoissé, comme s’il ne se sentait pas de taille à affronter ce moment tant redouté tout seul. Il avait tellement voulu un enfant qu’il avait aujourd’hui peur de perdre ce dernier. Tournant sa tête vers son père, la jeune fillette le regardait avec des étoiles dans les yeux, comme un enfant regarde son père, son héros. Après tout, c’était toujours lui qui lui ramenait quelques douceurs d’Honeyduke dans le dos de sa mère. Il était celui qui avait fait descendre Mr Tirokouac de grand chêne lorsqu’il s’était coincé tout seul là-haut. Oui, pour la petite Mélissandre, Charles Darkwood était son héros. Passant une main dans ses cheveux, le bureaucrate sourit tendrement à sa petite fille, comme un long adieu. Lorsque Beth arriva dans la pièce, elle n’eut qu’à jeter un coup d’œil sur l’album photo qui trônait sur la table pour comprendre pourquoi on l’avait appelé. Serrant la main de son époux dans la sienne, elle lui rendit son sourire comme pour lui donner le courage qui lui manquait tant. «
Viens ma chérie, allons-nous asseoir sur le divan. » invita-t-elle la petite. Encadrée par ses deux parents, Mélissandre ne se doutait de rien. A vrai dire, ce n’était pas d’amour dont elle manquait. Si la petite n’avait jamais réellement rencontrée sa famille, ses parents lui témoignaient assez de sympathie et d’affection pour qu’elle ne puisse en manquer. Pourtant, à l’âge de six ans, la petite Darkwood, trop curieuse pour son propre bien, était allée déterrer les « trésors de papa » comme elle aimait l’appeler, soit farfouiller dans le bureau de ce dernier. Elle était alors tombée sur une sorte d’album de famille qu’elle avait ramené en bas, dans le salon. S’amusant à reconnaître ses parents à leurs différents âges, elle s’était pourtant arrêtée sur la dernière. Un banal arbre généalogique. Avec une monumentale erreur : ils avaient inscrit Mélissandre deux fois avec des noms différents. Si cela avait fait rire la petite fille, le visage de son père ne s’était pas illuminé à son tour. Car en réalité, il ne s’agissait pas d’une erreur…
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Aujourd’hui, Mélissandre vient de fêter ses onze ans. Assise sur le rebord de sa fenêtre, elle regarde les étoiles scintillées en se mettant à penser à son autre elle. Elle aussi venait d’avoir onze ans. La petite sorcière n’avait toujours pas compris pourquoi est-ce qu’elle n’avait pas le droit de rencontrer sa sœur jumelle, voire même ses parents biologiques. C’était comme si en l’adoptant, Charles et Beth Darkwood avaient été rejeté très loin de l’Angleterre, exilé en Ecosse. Comme si au final, on cherchait à la cacher elle du reste du monde. Si Méli’ était heureuse et se sentait aimée, une part d’elle était mélancolique et achevée de chagrin. Pourquoi est-ce que ses parents biologiques n’avaient-ils pas voulu d’elle ? Pourquoi se comportaient-ils comme si elle n’existait pas ? Au quotidien, la petite Darkwood faisait comme si cela ne la dérangeait pas. Comme si elle était convaincue que ses parents biologiques l’aimaient aussi mais ne voulaient pas la faire souffrir de l’avoir laissée. De l’avoir abandonnée, contrairement à sa sœur jumelle. Pourtant, une part d’elle savait très bien que la vérité était toute autre. Elle refusait juste de se l’avouer. Souriant aux étoiles, Mélissandre se réconfortait toute seule en s’inventant toute une histoire de retrouvailles avec cette chère sœur qu’elle ne connaissait pas mais qu’elle aimait déjà. Etant fille unique et ne voyant pas grand monde, c’était si bon pour la jeune fille d’imaginer avoir une sœur pour jouer avec elle. Alors, une sœur jumelle. Le rêve ne pouvait qu’être débordant d’euphorie. Dans quelques mois, elle allait enfin pouvoir LA rencontrer. Il lui tardait d’être à Poudlard. Depuis l’apparition de ses pouvoirs en faisant gonfler Mr Tipokouac qui s’envola jusqu’au plafond, Mélissandre ne pensait plus qu’à çà. Elle ne pouvait plus attendre.
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Les désillusions sont bien grandes pourtant. Trépignant sur le quai de la gare, la petite Mélissandre n’écoutait que d’une oreille les recommandations de ses parents, trop occupée à parcourir les quais du regard. Elle voulait la voir. Elle était certaine qu’elle la reconnaitrait. C’était comme se regarder à travers un miroir. Ainsi, elle pourrait aussi les voir : ses parents biologiques. Enfin, elle allait avoir ses retrouvailles merveilleuses où chacun pleure dans les bras de l’autre en se serrant si fort qu’on craint toujours d’être réduit en tas de sable. S’agenouillant face à elle, son père la rappela pourtant à l’ordre. Personne n’était au courant. Pas même cette sœur jumelle. Ses parents biologiques ne savaient non plus qu’elle avait été mise au courant. Elle était la détentrice d’un secret si lourd à porter et dont personne ne devait savoir… Elle ne pouvait en discuter qu’avec eux. Pour le bien de ses parents adoptifs qui avaient prêté serment. Le joli rêve se flétrissait. Or, Mélissandre ne perdait pas espoir. Elle pouvait très bien tomber par hasard sur son double et avoir ses merveilleuses retrouvailles. Mais le coup de grâce tomba comme l’épée de Damoclès. Son père lui annonça que ses parents biologiques avaient voulu protéger leur fille en lui cachant son existence. Mélissandre n’existait pas… pas vraiment. Elle éclata en pleurs dans les bras de son père. Pour beaucoup, cela passa comme un au revoir larmoyant. Pour Charles Darkwood, c’était comme avoir brisé le cœur de la prunelle de ses yeux mais il ne voulait pas lui mentir. Il l’a chérissait trop pour ça. Il souhaitait la protéger de ce monde noir dans lequel évoluaient son frère et toute sa famille. Lui et sa femme ne souhaitaient pas que le cœur de Mélissandre se noircisse comme on avait tenté de noircir les leurs. Ils avaient réussi à les duper lorsqu’ils leurs avaient confié ce petit trésor. Des parents qui donnent leur enfant sans ne plus jamais chercher à les revoir ne devraient pas exister.
Le Poudlard Express finit par démarrer, roulant tranquillement en poursuivant sa route jusqu’à destination. Démotivée, Mélissandre s’était laissée tomber sur une banquette sans faire attention à ce qui l’entourait. Elle ne releva la tête que lorsqu’une petite brune vient lui proposer une chocogrenouille. Son sourire fut contagieux car Méli’ se mit elle-aussi à sourire et commença enfin à apprécier son voyage. Enfin, tout du moins sa verve car c’était sans compter sur l’énergumène brun qui accompagnait la demoiselle. Etant persuadé de l’avoir déjà vu quelque part, ce dernier la bouda tout le long du voyage en lui envoyant des piques depuis qu’elle avait décliné son identité. Vexée qu’on s’en prenne à sa famille sans réel fondement, Mélissandre l’ignora sauf lorsque ce dernier ne la piquait de sa langue fourchue, ce qui fit rire Rosemerta. Ignorant encore tous des rumeurs sur sa propre famille, Mélissandre était blessée qu’on ne puisse dépeindre un tel portrait d’eux. Ses parents adoptifs n’étant absolument pas aussi sombres et machiavéliques que décrits, elle refusait de le croire. Pourtant, elle eut l’affirmation de ces dires une petite heure plus tard alors qu’elle courait dans les couloirs du Poudlard Express à la recherche du chariot des gourmandises. Elle reconnut au loin son autre, son sang et sa chair. Sa jumelle. Cependant, le ton moqueur, blessant voire même hargneux que sa copie émit contre un pauvre première année qui était sur son passage la figèrent sur place. Mélissandre était tellement déboussolée et choquée qu’elle entra dans le premier compartiment sur sa droite lorsque son double se retourna pour continuer son chemin. Est-ce que ce McGregor avait raison ? Les Darkwood étaient-ils tous aussi hautains et froids ? Retournant à sa place sans les chocogrenouilles promises, Mélissandre finit le voyage plongée dans un mutisme sans nom dont Rosemerta et Ian ne purent l’en tirer…
Si la stupeur avait touché plusieurs personnes, les acclamations des Gryffondor firent chaud au cœur de Mélissandre. Guère à l’aise face aux coups d’yeux et murmures des curieux qui connaissaient les Darkwood et avaient noté la ressemblance entre elle et son double, la jeune fille était heureuse de pouvoir se fondre dans un groupe afin qu’on ne l’oublie quelques instants, profitant juste de la joie d’être acceptée quelque part tandis que son double rejoignit Serpentard. Les désillusions ont vraiment la peau dure. De plus, Rosemerta fut envoyée à Poufsouffle tandis que l’irritable McGregor rejoignit lui-aussi les Rouges et Or. La première journée en tant que sorcière de Mélissandre avait un arrière-goût assez amer qui lui restait sur la langue. Elle n’avait vraiment pas imaginé cette journée sous cet angle…
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Déboulant dans les escaliers, Mélissandre s’excusait à tout rompre envers les personnes qu’elle croisait sans prendre le temps de s’arrêter. Son fichu réveil n’avait pas voulu fonctionner et la voilà qui était en retard… comme à son habitude. Les objets moldus étaient pourtant instables dans le monde magique mais qu’importe, la jeune fille tenait au monde dans lequel elle avait été élevé et s’entêtait à garder ce vieil attrape-poussière. La cravate rouge et or passait autour du cou, elle ne remarqua même pas que cette dernière venait de s’envoler au détour d’un couloir avant qu’elle ne rentre dans la salle de Métamorphose. Repérant Jason à l’avant-dernier rang, elle se laissa tomber sur le tabouret à ses côtés en enfouissant sa tête entre ses bras. Ce dernier, habitué depuis le temps aux arrivées in extrémistes de son amie, releva à peine la tête pour la saluer. Cependant, cette fois-ci, un rictus apparu sur ses lèvres alors qu’il la regardait. «
Tu as oublié ta cravate ! » «
Hein ?! » Se relevant comme si on l’avait piqué, Mélissandre porta automatiquement une main à son cou pour se rendre compte de la véracité de ses dires. «
Oh non, la directrice va me tuer… » mais elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase et son angoisse qu’un poing vient s’abattre sur sa tête, la faisant grimacer de douleur. En rouvrant les yeux, elle découvrit sa cravate qui pendouillait sur sa tête tandis que Ian McGregor s’asseyait sur le pupitre de devant. «
Dis pas merci surtout ! » Pinçant les lèvres, Mélissandre baragouina un merci mi-figue mi-raisin en colèrant sur place. Depuis leur première année, Ian et Mélissandre étaient comme hippogriffe et dragon. Ian est longtemps resté sur le préjugé que Méli’ était comme tous les Darkwood, faisant d’elle une infiltrée qui cherchait la sympathie pour mieux retourner les esprits tandis que Mélissandre ne supportait pas son côté macho et fier. Or, les choses semblaient se présenter sous un meilleur auspice depuis leur sixième année, les deux trainant avec la même bande d’amis. Pourtant, leur joute égaillait toujours les couloirs et la salle commune, provoquant de nombreux fous rires et paris en tout genre chez leurs congénères. «
Attends, je vais te l’attacher. T’es capable de la perdre encore ! » intervient Jason en lui prenant la cravate des mains et rapprochant son visage du sien. Plissant les yeux, Mélissandre n’eut pas à réfléchir très longtemps pour comprendre le subtil rapprochement mielleux à deux mornilles de son meilleur ami. Elle n’avait pas non plus besoin de se tourner vers les premiers rangs pour remarquer que son double fulminait sur place. Elle imaginait bien ses ongles s’enfoncer dans le bois du pupitre. Jason poussa la comédie jusqu'à la gratifier d'un léger baiser sur la joue, jouant encore plus sur la carte de la jalousie de sa sœur jumelle. Bien que Mélissandre prônait ouvertement de se moquer éperdument de cette sœur qu'elle ne connaissait pas et n'en avait guère envie à cause de son attitude aussi hautaine et peste qu'elle avait, elle était toujours mal à l'aise face à cette tentative de la rendre jalouse. Aimant Jason comme son propre frère, il était hors de question qu'elle ne le laisse s'abaisser aussi bas et ne tombe amoureux d'une fille aussi perfide et cruelle qu'Amoredia Darkwood. Il méritait bien mieux. Non mais regardez la à prôner que le monde lui appartient, tsss ! ... Pourtant, c'était bien une autre réalité qui complexait Mélissandre. Malgré toute cette guerre qui tournait autour des jumelles Darkwood, elle n'arrivait pas totalement à haïr ce double qu'elle ne connaissait pas. Comment pouvaient-elles être aussi différentes ? Repensant à leur premier - et surement dernier - repas de famille qu'elles avaient eu durant l'été, la Gryffone soupira. "
Arrête de te servir de moi pour la rendre jalouse !" rétorqua-t-elle sans pour autant le rejeter. Comme si un petit diable sur son épaule lui contait que c'était bien mérité pour la Serpentarde.
Malgré son attitude détachée, Mélissandre avait été blessée par les paroles d'Amoredia. Elle l'avait rejeté à la seconde même où elle avait appris son existence. Elle n'avait même pas cherché à savoir qui elle était. Elle n'était que celle qui lui avait volé Jason et mit le trouble dans sa petite vie tranquille. Comme si c'était de sa faute. La Gryffone lui en voulait. Énormément. Elle avait tellement espéré, tellement priée la bonne étoile pour avoir enfin ces retrouvailles heureuses et larmoyantes qu'elle espérait depuis qu'elle était enfant. C'est à cause de cette douleur qu'elle lui avait enfoncé un couteau en plein cœur et lui annonçant ouvertement que Jason la préférait à elle. Or, le jeune homme ne semblait même pas se rendre compte qu'il était attiré par Amoredia. Qu'il ne compte pas sur elle pour lui faire ouvrir les yeux là-dessus mais plutôt pour l'en dissuader. Il était hors de question que cette garce ne le fasse souffrir ou ne le détruise. Elle ne laisserait jamais cela arriver.
Cela aurait été si simple si ses rêves avaient pu devenir réalité...