D'aucuns disent que je suis mythomane, d'autres affirment que l'héritage génétique de mon escroc de père n'arrange guère mon cas. Approche donc, si tu souhaites à mon sujet démêler le vrai du faux ; car il me tarde de te dévoiler quelques-un de mes secrets. Il suffit parfois d'ouvrir les yeux et de se défaire de ses œillères pour passer outre les apparences. Or, et malheureusement pour toi, je suis passé maître en l'art de l'illusion. Renard au regard affûté et au sourire rieur, je mens lorsque je te parle, lorsque je te charme, lorsque je respire. Tout n'est qu'artifice, l'essentiel est théâtre, le maître d'oeuvre est mise en scène. Je suis ma propre comédie humaine, et mes comparses gobent sans broncher ces entourloupes qui les enchantent. Tu ne comprends pas réellement, n'est-ce pas ? Alors laisse moi te conter l'histoire d'un jeune homme, qui encore poli par l'âge de l'insouciance, irradie d'un charisme et d'une prestance qui vendrait des assurances vie à la Faucheuse en personne...
I. Les moldus aussi ont des gnomes dans leur jardin10 Octobre 2060
Commissariat de Brighton
« Allons petit, ne sois pas timide. » Mes grands yeux bruns cernèrent le pourtour de ce visage ridé au nez épaté et aux lèvres charnues. Et malgré la moue sympathique de ce policier que je qualifiais intérieurement d'hypocrite et de surfait, je ne libérai pas les mots pris en otage de ma gorge ronde, me contentant de balancer mes pieds d'avant en arrière, avant en arrière, avant en ar...
« Arrête ça tout de suite. » Ma mère exaspérée, tremblante d'impatience et voyant ses nerfs irrités par cette entrevue au commissariat, posa un main ferme sur mes genoux non sans grincer des dents. Madame Faith Baker-White était une très belle femme, droite, aimante et honnête. Elle avait épousé un séducteur, certes fidèle et le coeur gorgé de bons sentiments lui aussi... Seulement le dandy gentleman n'était autre qu'un escroc reconnu, recherché pour ses méfaits de grande envergure que ma mère pensait pour le moment minime. Et bien qu'ils étaient aujourd'hui divorcés, elle nourrissait à son égard encore assez d'amour pour s'en porter garante.
« Ecoutez, ce n'est ni un endroit pour une dame telle que moi, ni pour mes enfants. Je règle de ce pas les vols de mon mari et on n'en parle plus, pas vrai ? Combien je vous dois... ? » Les hommes se redressèrent non sans grogner d'exaspération, soupir au bord des lèvres et sourcils froncés de frustration. Le gamin de neuf ans que j'étais, trouvait cependant la scène véritablement cocasse ; aussi je me retenais de rire d'un éclat railleur, lequel fut étouffé par le coup de coude que ma petite soeur enfonça dans mes côtes.
« ...Alexandre a tendance à jouer avec le feu en pariant ici et là c'est vrai mais... » « Cinq millions de livres. » Le silence régna en maître comme ma mère resta sans voix, bouche entrouverte et suspendue par le choc, main figée sur son sac à main grand ouvert.
« Je suis désolé Mrs Baker-White, mais votre mari n'est pas un simple escroc, à ce niveau c'est un criminel. Et nous pensons que votre fils sait où il se trouve. » L'homme d'autorité se tourna de nouveau vers moi, la voix raffermie par l'impatience malgré les traits doux qu'il laissait entrevoir.
« Nous t'avons vu hier en compagnie de ton père. Peux-tu nous dire ce que vous avez fait ? » D'abord muet, je me contentai de figer mon regard fauve dans celui de cet étranger désireux de m'arracher mon géniteur. Mon père, ma figure suprême d'autorité, mon complice... J'en demeurais si proche qu'il voyait en moi son fidèle successeur. Et pour cause. Soudain, un sourire malicieux se plaqua sur mon visage d'ange, comme si ce rictus dissimulait bien d'autres choses.
« Hier, j'étais à l'école... »***
9 Octobre 2060
Ecole moldue municipale
« Approchez, approchez ! Deux livres la partie, vous en gagnez le double si vous devinez où se trouve la bille. » Face à moi, un parterre de jeunes enfants captivé par ma présence déjà époustouflante pour mon âge, et ébahis par l'habileté avec laquelle je mélangeais les trois coquilles de noix sur la table branlante, s'entassait autour de mon animation du jour. D'aucuns poussaient quand d'autres restaient sceptiques tout en comptant les quelques cents restés dans le fond de leur poche, tandis que toujours aussi sûr de moi j'appâtais le chaland. Un garçon aux traits lourds, la silhouette épaisse et la carrure massive, se posta face à moi avant de me lancer un regard noir de ses yeux porcins.
« Y a pas le droit d'apporter de l'argent à l'école. » « Oh mais je suis sûr qu'avec ce que tu as racketté à ton bizut du matin, tu peux tenter une partie Gary. » L'assemblée se mit à rire, mais étouffa bien vite sa vague amusée lorsque la brute de l'école se retourna vivement, colérique et bougon. Sa masse de graisse n'avait d'égale que sa vivacité, car ledit Gary m'agrippa par le col et me souleva de quelques centimètres du sol :
« Te fous pas de moi... » « Okay... Partie gratuite ? » Un sourire charmant sur mon visage poupin, soutenue par une voix entraînante. La brute grogna à nouveau, le lâcha subitement, et fit un signe de tête vers la table. Défroissant ma chemise avec soin, je finis par porter mes mains agiles vers les trois noix, manipulant ces dernières avec tant de dextérité que mon spectateur s'en embrouilla l'esprit.
« Où est la bille ? » Gary leva son regard mauvais et suspect sur mon visage souriant, renifla avec force et pointa celle du milieu que je soulevai avec fierté.
« Et non, perdu. » « Quoi ? » La brute s'emporta, me souleva de nouveau par le col mais reçut cette fois-ci mon poing fumant dans la figure... Visage par ailleurs si massif qu'il m'en arracha une vague de douleur. Et tandis que je réprimais un gémissement plaintif, Gary vira au rouge pivoine quand soudain la voix criarde d'un adulte vint rompre les rangs. L'assemblée des couche culottes s'était dispersée, courant dans tous les sens dans la cour de récréation.
« Monsieur Baker-White et Monsieur O'Tool, cessez ce cirque immédiatement ! »***
10 Octobre 2060
Commissariat de Brighton
« Je me suis toujours dit que ce jeu était truqué. » Le policier stagiaire qui avait lancé ces mots d'une voix rêveuse, planta son regard gêné à terre lorsqu'il vit son supérieur le foudroyer de ses yeux assassins. Cependant amusé et roublard, j'eus un rictus trop affûté au charme pour mon âge et tapotai d'une main assurée la poche de ma chemise située à mon buste avant d'en retirer la fameuse bille.
« Elle dort ici pendant le reste de la partie. Les pigeons n'y voient que du feu. » « Pacôme, fais pas le malin. T'as passé une heure dans le bureau de la di-rec-trice. » « Coincée. » « Abruti. » Ma mère dut intervenir auprès de ma jeune soeur studieuse et moi-même, levant les yeux au ciel lorsqu'elle vit l'incartade se terminer par des langues tirées.
« Et ensuite. » fit le supérieur de la police, quelque peu impatient.
« C'est ton père qui est venu vous chercher, non ? » « Seulement Pacôme, mais c'était vraiment exceptionnel vous savez, je ne vois plus beaucoup mon ancien mari. » rétorqua alors ma mère d'un oeil bienveillant.
« Et Lou-Ann a cours de danse classique après l'école, je suis venue la chercher par la suite. » Et la jolie femme de couver sa jeune fille d'un regard fier comme si cette dernière entrait dans les Merveilles du monde parce qu'elle savait faire des entrechats. Inintéressant au possible...
« Pacôme ? » fit alors l'homme à la casquette, trépignant d'impatience quant à la suite, convaincu qu'il attraperait très bientôt son gros poisson.
« Et bien... On n'est pas rentrés tout de suite à la maison. » Je plissai le nez d'une moue mutine avant de poursuivre mon récit.
***
9 Octobre 2060
Quartiers résidentiels de Falmer, environs de Brighton
« P'pa... J'sais pas. » « Allons, que dit le maître renard à la souris ? » Mon père arrêta le moteur ronronnant, grand sourire charmeur et assuré, regard brillant et complice, sourcils s'arquant sous la légèreté de l'ivresse du moment. Dépité, je me contentais de soupirer d'un air bougon avant de répliquer mollement :
« Suis-moi et je te donnerais le fromage volé au corbeau. » « Et qui est le corbeau ? » « Les habitants du quartier. » Mon père ébouriffa mes cheveux avec fierté avant de planter sur ma tête brune un horrible chapeau de scout. Ce à quoi je m'empressais de défaire quelque peu le foulard aux couleurs vertes noué autour de mon cou, avant de l'apostropher une nouvelle fois :
« Le renard ne veut pas être déguisé cette fois. C'est nul les scouts. » « Dis pas de sottises, même la grand-mère du coin te croquerait avec ce joli minois. » Cette fois il me taquina d'un pincement de joue, ce qui eut pour effet de me faire bondir expressément de la voiture – geste calculé de sa part, j'en étais certain.
Quelques minutes plus tard, voilà que je sonnais à la porte d'une maison inconnue mais coquette : fenêtres propres, géraniums fleurissants et herbe fraîchement coupée. Ce fut une femme sophistiquée, à la coupe impeccable rehaussée par un collier de perles et un maquillage de grande dame qui m'ouvrit la porte. Cette dernière n'eut pas le temps de sortir un mot, que déjà je lui offrais le salut de scout dans un grand sourire, le tout affrété d'un coup de sifflet.
« Bonjour Madame, notre camp de scouts organise une vente de gâteaux pour acheter une chaise roulante à notre ami Fred qui s'est cassé une jambe il y a une semaine. Nous avons des gâteaux... » Rapide coup d'oeil à la silhouette longiligne voire squelettique de cette dame aux joues creuses, le sourire toujours aux lèvres.
« ...sans matières grasses et... » « ...Je... » « ...sans sucres ajoutés. Issus de l'agriculture biologique m'dame... » La femme quelque peu secouée et croulant sous mes informations justes et mon minois d'ange, me tourna le dos pour agripper son porte-monnaie, duquel elle sortit de nombreux billets. Rapide coup d'oeil observateur à nouveau.
« Chocolat, menthe, vanille. Le tout pour 70 livres sterling. » « C'est exactement le nombre de billets que je... » « Merci m'dame. » fis-je en lui ôtant les billets dans un grand sourire innocent, le regard pétillant de candeur et le sourire angélique.
« Au nom des scouts nous vous remercions, vous recevrez vos gâteaux dans la semaine. » Un salut déterminé de la main, et je tournais les talons avec satisfaction sous le regard dépouillé de la femme abasourdie. Pour moi ce n'était qu'un jeu, sans que je ne prenne conscience de mes actes.
« Viens à la maison... » Mon paternel glissa un regard penaud sur la maisonnée à travers la vitre de sa voiture, hésita un instant avant de secouer sa tête d'un sourire dépité mais complice.
« Tu sais que ta mère ne veut plus me voir. Elle se doute que je suis une crapule. » La boutade incriminée ne me fit guère sourire ; déçu de ne pouvoir passer autant de temps que je le souhaitais avec mon paternel, je commençais finalement à trouver nos passe-temps stupides et stériles. Comme quoi, même un môme aussi inventif et hyperactif que moi pouvait trouver du tort à un jeu qualifié de génial quelques heures plus tôt.
« Tu viendras pas à mon anniversaire Dimanche. » soufflais-je alors mi-désappointé, mi sur le ton de la réprimande. Franchement, arnaquer Miss Finigan, Mrs O'Mallay, Miss Müller et toutes les autres miss du quartier de Falmer pour des cookies qu'elles ne recevraient jamais, ne valait aucunement tous les pères du monde. Mon père dépité fut ému par ma déception, mais se refusant à se laisser aller vint me pincer la joue avec entrain et complicité :
« Allez bonne nuit mon renard. Et n'oublie pas... » « Motus et bouche cousue. » Entre l'amusement et désillusion, je laissais dans la voiture mon attirail de scout avant de claquer la porte. Laissé là sur le trottoir de ma maison, je toisais d'un regard abattu ce véhicule qui roulait déjà nerveusement.
« Alors mon chéri, ce match de foot ? » Je venais de rentrer en trombe dans la maison, une énergie déferlant en moi faisant abstraction de la déception ; la satisfaction outrancière avait repris le dessus grâce au simple temps passé avec mon père. Jetant le cartable dans l'entrée, sourire aux lèvres et tenue débraillée, je me précipitai dans les escaliers sous le regard bienveillant de ma mère cuisinant son repas.
« On a perdu. » rétorquais-je avec vivacité, sans aucune once de désillusion dans la voix. Ma mère eut une moue peinée, se jurant de cuisiner une délicieuse tarte pour le dessert afin de remonter le moral de son aîné, comme ma soeur leva son nez de son bouquin pour mieux me jeter un regard suspicieux.
***
10 Octobre 2060
Commissariat de Brighton
« Je n'en reviens pas... » Nez pointé au sol, mains raidies sur son sac à main, ma mère ne cessait de répéter ces mots qui peinaient à sortir de sa gorge serrée. Une rancune tenace s'envola pour son ancien mari d'avoir ainsi entraîné son fils dans ses viles escroqueries, autant qu'une colère vive frappa contre son buste : elle s'en voulait de n'avoir rien vu. Culpabilisant enfin, je levai mon regard penaud sur ma mère tout en faisant abstraction du reste du monde :
« C'est rien m'man. » soufflais-je tout en tentant de dédramatiser une situation qui, de toute évidence, ne pouvait se dégonfler de l'oppression de l'instant. Et comme pour contrer ma tentative naïve de réconfort, le policier m'adressa directement quelques questions qui se voulaient compatissantes, mais qui suintaient l'impatience :
« Combien vous avez récolté avec tout ça ? » « A peu près cinq cent. » fis-je non sans hausser les épaules d'un air débonnaire, sursautant légèrement lorsque j'entendis ma mère retenir un hoquet de honte.
« Et...vous voulez l'arrêter... pour une histoire de cookies ? » La gêne de ma tendre mère se mua en colère à l'encontre des policiers, lasse et fatiguée elle ne demandait plus qu'à sortir d'ici. Ce à quoi la figure d'autorité répondit solennelle :
« Madame, nous arrêtons votre ancien époux car il vend des biens immobiliers qu'il n'a pas. Il a escroqué de grandes fortunes de cette manière. » Le discours dura longuement ; il me semblait que ces policiers voulaient nous assommer à coups de termes juridiques et autres éthiques, portés par leur foi en la justice ils nous tenaient inconsciemment responsables de la fuite de Alexandre Baker-White. S'ils savaient...
Après s'être emporté longuement, persuadé de distribuer la bonne parole, le policier se rendit compte qu'il en avait perdu le fil principal :
« Et donc Pacôme, où est parti ton père, après ça ? » Le silence se fit, lourd et pesant, lorsque sentant tous les regard se braquer vers moi je pris alors mon air le plus enfantin (et agaçant s'il en est) :
« Je ne sais pas. » Stupeur dans la salle. Le policier se leva brutalement, joua avec ses mains nerveuses avant de se retourner vers moi, aussi calme que possible :
« Tu nous as pourtant bien dit que tu savais où il était, n'est-ce pas mon garçon ? » « Il y a une heure ouais, mais plus maintenant. » Haussement d'épaules, l'entrevue se termina sur ce coup de théâtre.
***
10 Octobre 2060
Maison des Baker-White
- Citation :
- Pacôme,
Je suis certain que tu les as tenus en haleine longuement.
Je t'enverrai un cadeau de Tokyo.
Prends soin de toi, le Renard.
Un sourire se dessina sur mon visage enfantin, tandis que mes yeux ne cessaient de relire encore et encore le petit mot laissé par mon paternel sur ma table de chevet. Au rez-de-chaussé j'entendais ma mère s'indigner au téléphone de ces heures passées au commissariat, contre ce mari escroc voire contre elle-même. Ce fut pourtant fier et satisfait que je m'empressais de ranger la courte missive dans une boîte scellée d'un cadenas imparable, heureux de ce coup de maître ayant permis d'éloigner quelques heures une poignée de policiers de la fuite de mon paternel. ***
II. Je l'ai lu dans l'Histoire de Poudlard.1. La lettre
2 Juin 2062
Maison des Baker-White
« Une lettre pour toi mon chéri. » La main maternelle me remit l'étrange missive au papier presque cramoisi, laquelle portait une adresse étrange écrite à l'encre rouge : ' Pacôme Clyde Baker-White, la maison blanche à la porte bleue, troisième à droite, Brighton.' Un bref rire amusé s'échappa de mes lèvres quand délaissant mon bol de céréales pour la nouvelle du jour, je décachetais le sceau de cire non sans sentir le regard d'abord intrigué de ma mère par dessus mon épaule. Haussant d'abord la voix pour mieux faire entendre à ma – minuscule – assemblée ce qui m'était adressée, j'en vins peu à peu à perdre mes mots, devenir silencieux et poursuivre ma lecture seul. « Cher Pacôme Baker-White, nous avons le plaisir de vous informer que vous bénéficiez d'ores et déjà d'une inscription... au collège de... Poudlard. » Froncement de sourcil intrigué, et je portais mes yeux bruns sur l'en-tête mentionnant une école de sorcellerie. D'abord sous le choc d'une pareille révélation, mon visage s'illumina soudain lorsqu'enfin je me remémorais les faits étranges que je produisais ces dernières années : Gary perché dans un arbre, le pelage d'ambre du caniche idiot de la voisine virant rose bonbon sous mes yeux, les devoirs qui se volatilisent ou qui lévitent... Tout devenait si cohérent dans mon esprit de gamin à l'imagination exacerbée. « Je suis un sorcier ? » Eurêka ! Voilà qui illuminait bien des zones d'ombre. Néanmoins le côté pragmatique de l'adulte à mes côtés ne l'entendit pas de cette oreille : « Ton père et toi essayez de nous embobiner pour vous donner rendez-vous bien sûr. Pacôme je t'ai interdit de le revoir, il a une mauvaise influence sur toi. » « Mais non je... » « C'est vrai, il a encore arnaqué les voisins hier, rien qu'avec son jeu de cartes. » lâcha ma soeur d'un air satisfait et hautain. « Pisseuse. » « Menteur. » Et les gamineries reprirent de plus belle lorsque sautant tous deux à terre nous nous courions après autour de la table, jusqu'à ce que je ne me stoppe avec fierté. Un rictus sournois aux lèvres sous le regard suspicieux de ma soeur, lequel étincela de colère lorsqu'elle vit soudain pendre à mes doigts son collier d'or blanc. Plaquant d'abord ses doigts fins sur son cou, Lou-Ann dut admettre que son frère était un habile détrousseur puisqu'elle n'avait dès lors rien senti lors de la course poursuite, mais elle préférait cent fois brûler ses livres d'histoire du Tibet plutôt que de l'avouer à haute voix. « Comment tu as... » Elle se reprit alors, secouant la tête car consciente que cette simple question témoignait de son admiration, et redoubla de rage lorsqu'elle me vit si fier. « M'man ! Pacôme a recommencé. » « Rends le collier à ta soeur ! » « Il est tombé. » mentis-je avec superbe sans détourner mon regard fauve de celui de ma jeune soeur. « C'pas vrai, il l'a volé ! »
Le quotidien de la famille Baker-White se tramait donc ainsi : une mère modèle, une fille studieuse et un garçon... développant une propension au larcin et à l'habileté de la magouille.***
2. Miscellaneous
Aujourd'hui
Pré au Lard
]« Lâche-moi... » La demoiselle pleura à chaude larmes tout en se libérant de ma main retenant pourtant délicatement son poignet en otage quand elle tourna les talons avec ferveur. Tête baissée et visage humide, la jolie brune réprimait des hoquets de douleurs tandis que pensif, j'observais sa démarche tout en fouillant dans mon esprit, à la recherche d'un plan de secours. De nouveau, je m'avançais vers Serah, la retins par la main et la tirai vers moi non sans arborer ce sourire séducteur qui la faisait fondre. « Tu... Tu m'as trompée, ils le disent tous. » « Qui ça, ils ? » Murmure suave et regard captivant, je relevais le menton de ma petite amie afin de plonger mes prunelles pénétrantes dans les siennes. Je n'ignorais pas que ma présence soufflante retiendrait son attention, ni même ma maîtrise parfaite de la rhétorique voire mon charme insidieux de gentleman arnaqueur. La belle commença d'ailleurs à calmer ses hoquets répétés par la seule chaleur graveleuse de ma voix et ouvrit ses paupières sur de longs cils humides par ses larmes. « Mais tout... tout le château. » « Ils mentent. » « C'est toi le menteur Pacôme ! » s'emporta la belle au coeur brisé. « Tu dupes, tu manigances, tu escroques, tu les endors. Et tu gagnes à chaque fois.. Et... Et ils en redemandent. La vérité Pacôme c'est que je sais pas quand tu mens. J'sais pas quand tu m'aimes, j'sais même pas si tu m'aimes. T'es allé en voir une autre hein ? » La brunette porta sur moi un regard plein de larmes figées, voix tremblotante et gorge nouée elle n'en pouvait plus de me voir à la fois si touché par sa douleur mais si fier dans mon aplomb. Séducteur de génie, dépouilleur de surcroit. Gentleman escroc qui cependant avait un coeur... Et c'en était d'ailleurs plus difficile à assumer à ses yeux, car si encore je n'avais guère de sentiments, marbre froid et implacable, cela aurait été si aisé de me haïr. « Réponds-moi... Mens-moi Pacôme, je veux pouvoir te connaître. Je veux pouvoir savoir enfin quand tu mens, et quand tu mens pas. » Sa main amoureuse s'empressa de serrer mon bras, quand humidifiant mes lèvres sanguines comme pour mieux y faire glisser mes mots, j'hésitais. Je tanguais d'abord, réfléchissant trop vite, puis repris de l'aplomb, de la prestance, de l'assurance pimpante et charmeuse. J'étais un renard, et ce jeu, cette scène de théâtre, ce rôle même m'étaient amusants. Je ne le faisais guère pour blesser, je le faisais pour parfaire mon jeu d'acteur et de grand prestidigitateur. « Je t'aime. » La belle resta figée, comme pétrie par la honte, la surprise et le doute. Son coeur se mit à battre plus fort comme son esprit tentait d'y trouver la vérité. Où était-elle ? Dans mes mots ou dans mon sourire enjôleur ? Et avant même qu'elle ne puisse rétorquer quoique ce soit, j'avançais une de mes mains libres au bout de la quelle vint pendre soudain un magnifique collier. Ma dulcinée du moment eut soudain le coeur en fête devant un tel présent, et rabroua aussitôt ses doutes. Comment avait-elle pu me qualifier de vil menteur ? « Il est tombé. » soufflais-je dans un rictus troublant.
Bien sûr l'idylle ne dura guère longtemps, mais le renard dans sa fierté n'en avait retenu que la satisfaction du jeu... qu'il avait gagné haut la main.