Une ombre au milieu des couloirs. D'une démarche ferme mais aérienne, tu déambules le long de Poudlard, le visage fièrement relevé, le regard fixe. Tes cheveux sauvagement flamboyants dansent en cascade sur tes – frêles – épaules. Les autres s'écrasent, rentrent les épaules ou s'esclaffent volontiers non sans dévisager leurs camarades pour mieux cracher sur autrui. Tu n'es pas de genre là mais tu n'es pas renfrognée. Tu ne parles pas mais tu n'as pas cet air triste, absent ou même rêveur. Personne ne te tient compagnie ; si ce n'est la solitude, paradoxalement, mais celle-ci figure depuis bien longtemps parmi tes plus proches amis. Tu te contentes d'exister entre ces murs sans chercher à te démarquer, ce que tu fais si bien depuis sept années maintenant. Toute de feu es-tu bâtie mais pourtant, on ne te remarque guère. Tu es brillante, aucun élève ne saurait dire le contraire, et si nul ne survivrait s'il essayait de te rouler dans la poussière, tu n'aimes pas montrer, étaler tout ce savoir. Tu seras Grande, tu deviendras aussi puissante que tes parents autrefois et que ton frère demain – c'est là une certitude que tu as – et tu gravis les marches, lentement, chaque jour, mais silencieusement. Indéniablement, tu as un égo plutôt développé et bien que tu t'estimes (trop?) souvent supérieure à autrui, tu n'aimes pas le clamer haut et fort. Pour quoi, pour qui le ferais-tu, après tout ? Tu te défends quand besoin est. Rechercher l'admiration ? Rechercher la jalousie ? Tu n'en a que faire. Les autres et leur regard ne sauraient te venir en aide, ni aujourd'hui, ni demain. Réussir, dans toute la globalité du terme, est ton seul objectif : tu n'as besoin de rien autre que tes deux mains, tes deux jambes, ta bouche pour que jaillissent les mots au moment opportun et puis ta tête pour penser.

Aussi ignores-tu royalement ceux qui t'entourent, à commencer par les Premières années parfois paniqués car en quête d'une salle introuvable ou malmenés par les escaliers. Tu sors tout juste de ton dernier cours de Défense Contre les Forces du Mal. Intéressant, certes, mais... Hélas, tu aurais préféré passer plus de temps en compagnie de ton cher père, cet été. Lui au moins sait comment s'y prendre. Lui au moins va à l'essentiel. L'Imperium te brûle encore avec délice les doigts, là, au bout de ta baguette en bois de charme. Il t'a promis de continuer à t'enseigner tout le nécessaire. Tu veux apprendre. Tout apprendre. Absolument tout, tu as soif de connaissances. Serdaigle jusqu'au bout des ongles.

Les livres encore entre les bras, te voilà descendant les escaliers avec assurance. Ton uniforme d'élève de Poudlard est parfaitement à ta taille, parfaitement lisse, parfaitement ajusté. Tu es toutefois perchée sur huit bons centimètres et tes talons résonnent à chaque fois qu'ils claquent contre les marches en marbre.

Comme chaque jour, tu te diriges en direction de la bibliothèque. Tu aimes l'odeur des anciens livres, tu aimes le silence, tu aimes le calme ; là-bas, tu t'entends enfin penser. Si quelqu'un avait la folle idée de te chercher, il aurait toutes les chances de te dénicher derrière une pile de livres, là-bas. Enfin, l'escalier daigne te laisser rejoindre le premier étage. Tu empruntes le couloir et alors que tu tournes à droite, quelqu'un a la merveilleuse idée d'en faire de même, à contre-sens. Vous êtes face-à-face, tu sursautes et manques de tout laisser échapper. Tu pinces les lèvres, prête à rugir. Relèves le regard. Affiches alors un sourire des plus étincelants, auquel seule ta famille a eu le droit. Ta famille. Et puis lui, aussi. Si tu avais eu des connaissances et intérêt plus solides au sujet des Moldus, de leurs célébrités et légendes, alors tu aurais pu affirmer haut et fort : voici mon Clyde! Si le cours précédent ne s'était pas déroulé en compagnie de ces stupides Gryffondors agissant avec un prétendu courage débile et sans se servir de l'espace vide entre leurs deux oreilles, mais avec les serpents, vous auriez déjà été fourrés ensemble. Comme toujours. Tu ne tolères pas grand monde, la présence des autres t'agace, excepté lui. A vrai dire, elle aurait même plutôt tendance à t'apaiser. Tu ronronnes, non sans une forme d'ironie bien à toi : « Hé bien. Quelle place tu prends. Les couloirs ne sont pas suffisamment larges, peut-être ? »