Ton père, Balthazar Traummann, et ta mère, Keren, sont clairement tes modèles. Nés une baguette dorée entre les doigts, tu les considères comme deux héros des temps modernes. Tout ce qu'ils touchent devient perfection. A commencer par ton frère, de sept ans ton aîné, Alix. Tu appartiens à une famille aussi soudée que conservatrice. Tu n'as jamais été élevée à coups de mièvrerie dégoulinante, l'amour se manifeste bien différemment et finalement, tu admires tes parents autant que tu crains leurs éclats de colère, quoique toujours justifiés.

Il faut savoir que votre nom se perpétue depuis des siècles et des siècles déjà. Vous appartenez à l'une des branches remarquablement anciennes du monde sorcier Londonien mais hélas ! dont la pureté a fini par s'éteindre suite à plusieurs écarts. Il y a bien du avoir un ou deux pas de côté engendrant naissance de plusieurs sangs-mêlés, quelques parricides, fratricides et autres joyeusetés du genre, si bien qu'aujourd'hui dans vos veines ne coule plus uniquement la magie, purement et simplement. Pourtant, c'est comme si. Tes parents ont pris soin de te répéter qu'il valait mieux ne pas se mélanger aux sangs-mêlés ou pire encore ! aux nés-moldus. Qu'ils étaient une abomination. Une honte pour votre communauté sorcière. Secrètement, ils te l'ont encré au plus profond de ton crâne. Tout doucement. Ce n'était qu' une idée, que quelques mots, mais voilà qu'à présent il s'agit d'une conviction : tu n'es pourtant pas de nature hautaine mais les sangs-de-bourbe sont simplement... Trop différents. Oui, c'est cela : différents. Et il est évident que l'homme n'a jamais craint quoi que ce soit plus puissamment encore que l'inconnu, et toi, tu es encore trop jeune, trop naïve, trop influençable pour y échapper.

Aujourd'hui, le Lord est tristement mort et enterré. On célèbre, on clame haut et fort le nom de Harry Potter, on blâme celui qui ne suivra pas le mouvement. Vous êtes, Balthazar, Keren, Alix et toi, quatre funambules pris au piège entre vos idéaux et cette prétendue raison à laquelle vous vous devriez d'adhérer (foutaises!).

On l'aura compris, mais tes parents appartiennent à la poignée de Mangemorts restants. De ceux fidèles de leur premier jusqu'à leur dernier souffle. Hier, aujourd'hui et demain. Ils sont entêtés, farouches, on ne leur fera pas chanter la gloire de ces Phénix. Jamais.

Quoiqu'il en soit, tous deux sont brillants. Remarquablement talentueux. Ton père n'a pas son pareil une baguette entre les mains, ta mère sait faire danser les mots plus dangereusement encore que n'importe quelle épée. Elle a eu le malheur de parler trop haut, trop fort, d'être une journaliste à la capacité d'influence trop étendue. a plume s'est égarée en chemin une, deux, trois fois, et puis un beau soir, on vous l'arrachait. Tu avais neuf ans.

Ta maman, ta chère maman, celle à qui tu dois la vie, est à Azkaban, au fond d'une cellule humide, aux prises des détraqueurs, parce qu'elle a eu le courage d'affirmer ses idées. Terroriste ! osait-on la nommer dans les journaux. La nouvelle avait fait la une, ton père a perdu son prestigieux poste de tireur d'élite au Ministère et vous avez dû vous effacer. Parler, c'est dangereux, voilà au moins ce que tu as pu apprendre de la vie, si jeune sois-tu.

Autrefois, vous rouliez sur les Gallions. Tu menais une vie de princesse. Cet univers doré s'est effondré avec le départ de Keren, vous avez été forcés de vous replier tels des parias. Vous vivez financièrement sur ce que Gringott's veut bien vous laisser – vous êtes surveillés de près, Mangemorts présumés – mais difficilement, tellement difficilement, par les temps qui courent.. ! Il n'empêche que vous gardez la tête haute. Surtout Alix, avec qui tu es fusionnelle. Surtout ton père, cet Homme, ce roc, ce héros. Il aspire à faire de vous de grands sorciers et voilà pourquoi tu redoutes tant l'échec : tu ne voudrais pas les décevoir. Ni lui, ni maman, qui doit si souvent penser à vous. Tu veux revoir la fierté dans ses yeux lorsqu'elle sortira, supposément en 2075.

Alors finalement, tu n'as rien de bien exceptionnel si ce n'est ce nom que tu arbores avec tant de plaisir malgré ce qu'on ose cracher à son sujet. Tu travailles. Tu travailles pour, toi aussi, creuser ta place, laisser ton empreinte. Et tu te cherches.

Funambule.