« Montgomery ».
L'adolescente prononça le nom une fois, puis deux. Pinçant les lèvres de dégout, elle secoua légèrement la tête, avant de détourner son visage du miroir dans lequel elle fixait son propre reflet quelques minutes auparavant. Ce nom, c'était le sien, celui qu'elle portait et qu'on lui attribuait. Pourtant, Grace ne pouvait s'empêcher d'avoir une réelle aversion pour lui. Il s'agissait du nom de son père. Un moldu. Cette simple constatation suffisait à expliquer ses moues de dédain lorsqu'elle l'entendait ou le prononçait. La jeune fille n'avait jamais eu un caractère facile, et n'était pas l'incarnation même du mot tolérance. Elle n'avait bien entendu jamais connu la grande guerre, ni la période durant laquelle le célèbre mage noir Voldemort semait la terreur parmi les sorciers, et elle ne souhaitait pas spécialement voir ces événements se répéter. Elle ne pouvait juste pas s'empêcher d'accorder une réelle importance à la pureté du sang. Être de sang-mêlé ne représentait en soi pas vraiment une tare, lorsqu'il s'agissait d'une ascendance lointaine, mais elle l'était d'ascendance directe. Son père était un moldu, et rien ne pouvait l'exaspérer plus que cela. Grace détestait voir s'afficher sur le visage de son paternel cet air complètement émerveillé et clairement stupide du moldu apprenant quelque chose sur un monde dont il ne ferait jamais partie. Elle ne pouvait pas dire qu'elle n'aimait pas ses parents, puisque ce serait quelque chose de contre nature, et qu'ils l'avaient toujours choyée et protégée comme la prunelle de leurs yeux. Simplement, il y avait des choses qui l'agaçaient, et dont elle n'était absolument pas fière. Ici, personne ne savait que son père était un moldu, et Grace préfèrerait avaler un chaudron entier de bouse de dragon plutôt que de l'avouer à qui que ce soit.

Pourtant, Grace n'avait pas eu une enfance particulièrement malheureuse ou traumatisante, loin de la. Elle n'avait jamais été maltraitée, délaissée, et n'avait par dessus tout pas grandi dans un immense manoir sombre et plein de mages noirs sadiques. Née à Liverpool d'un père avocat et d'une mère médicomage, elle n'y avait vécu que durant sa petite enfance, sa mère ayant été mutée à Ste Mangouste alors qu'elle avait presque cinq ans. Comme beaucoup de jeunes sorciers, elle avait étudié dans une école moldue jusqu'à ses onze ans, puis elle avait sans surprise reçu sa lettre pour Poudlard. Jusqu'ici, son parcours n'avait rien eu de particulièrement étonnant. Sa rentrée à l'école de magie s'était plutôt bien passée. Contrairement à ses deux frères et à sa mère avant elle, Grace n'atterrit pas à Serdaigle, et fut envoyée à Serpentard. Cela ne surprit pas grand monde, et la petite fille qu'elle était à l'époque n'eut pas beaucoup de mal à s'habituer à son nouvel environnement. Elle se fit sa place, son groupe, ses amis. Tout cela changerait forcément au fil du temps, tant elle était lunatique, mais la demoiselle ne s'en souciait que très peu. Son égocentrisme déplaisait à beaucoup, tout comme la manie qu'elle avait de jouer la comédie pour tout et n'importe quoi, mais qu'importe. Les années se succédèrent, toutes à la fois semblables et différentes. Grace se révéla être douée dans plusieurs matières, dont les potions et les sortilèges, mais médiocres dans d'autres, telles que la divination, qu'elle ne réussit jamais à apprécier et à comprendre. L'année précédente, elle fut également fière de réussir à se faire une petite place dans l'équipe de quidditch de sa maison, au rang d'attrapeuse. Elle grandit, évolua, changea parfois. Et tout cela pour quoi ? Au final, après six ans passés à Poudlard, elle se retrouvait toujours au même point : enlisée dans une tonne de mensonges bien plus gros qu'elle.

Cette constatation effleurant brièvement ses pensées, Grace entreprit de la chasser aussitôt. Elle avait toujours aimé mentir, et avait toujours vécu dans le mensonge. Enfant, elle avait réussi à faire croire des choses plus invraisemblables les unes que les autres à ses camarades de classe, qui à l'époque n'étaient que des gamins crédules, ce qu'elle même estimait ne jamais avoir été. Adolescente, cela avait été beaucoup plus difficile. Les gens deviennent pour la plupart un peu moins naïfs avec l'âge, et Grace apprit à devenir plus subtile. Elle ne mentit plus sur son identité, ni même sur son passé de manière générale. Elle apprit à dissimuler uniquement les choses qu'elle jugeait essentielles. Elle apprit également à créer l'illusion, que ce soit dans son attitude, ses émotions ou ses pensées à l'égard des autres. Savoir que personne ne pouvait réellement la percer à jour lui apportait un délicieux sentiment de puissance, ce qui ne pouvait que renforcer son égocentrisme grandissant. Pas un instant la jeune femme n'avait remise en cause sa capacité à faire croire ce qu'elle voulait, ni même à manipuler. Après tout, ne s'agissait-il pas de son unique vrai talent ? Elle avait l'ambition de briller un jour, d'être le centre de l'attention du monde tout entier, et ce n'étaient pas des doutes éphémères qui l'aideraient dans cette voie. Grace ne se faisait pas l'illusion que cela serait facile, bien au contraire. Elle était, au fond, une perfectionniste dans l'âme, et souhaitait avoir un parcours plus qu'exemplaire dans tous les domaines. Elle n'était qu'au début de son combat, mais avait de la détermination et de l'énergie pour atteindre son but, elle en était convaincue.

Sortant brutalement de ses pensées, Grace jeta un bref regard autour d'elle, et se rendit compte qu'elle était bêtement plantée au milieu de son dortoir, face à un large miroir, depuis déjà plusieurs minutes. Arriver en retard à son premier cours de la journée n'était pas dans les intentions de la blonde, qui se saisit au passage de son sac, puis passa une nouvelle fois devant le miroir, vérifiant rapidement que rien ne clochait, que ce soit dans ses vêtements, sa coiffure ou son maquillage. Satisfaite, la verte et argent laissa ses lèvres s'étirer en un mince sourire. Elle était prête pour une nouvelle journée d'apprentissage intensif. Un pas de plus vers la gloire, peut-être ?