Do you ever feel
Already buried deep
Six feet under
Screams but no one seems to hear

Ne pleurez pas votre passé car il s’est enfui à jamais. Ne craignez pas votre avenir car il n’existe pas encore. Vivez votre présent et rendez le magnifique pour vous en souvenir à jamais.

Ces murs blancs. Alecia les avait vus des centaines de fois à l’époque. Rien n’avait changé. Ni les couloirs, ni les chambres, ni le personnel. En arrivant à Ste Mangouste, elle présentait diverses fractures au côtes ainsi qu’un traumatisme crânien qui avaient rapidement été pris en charge par le personnel, mais ce genre de blessures demandaient du repos. Comme il fallait s’y attendre, de par son passif, c’est son ancien psychomage personnel qui s’était rendu à son chevet pour évaluer si la jeune femme allait être en proie à une nouvelle phase de choc psychologique. Fatiguée et renfermée, elle avait longuement discuté avec lui des événements et de sa détermination à envoyer à Azkaban chaque mangemort qu’elle croiserait. Mais lorsqu’il était question du chef du département des Aurors, Alecia faisait face à une culpabilité sans pareille et fondait en larmes devant son impuissance. Elle qui allait devenir Auror elle-même, n’avait pu ni défendre son supérieur ni sa propre personne. Le vol plané qu’elle avait fait à travers le magenmagot était autant gravé dans sa mémoire que dans son corps encore crispé et douloureux. Si la magie et les potions faisaient des miracles, le temps de récupération lui n’en était pas amoindri. Presque une semaine qu’elle était déjà là, à lire les articles de la Gazette du Sorcier entre les lignes, à voir les photos mouvantes du ravage, et… de portraits du père de Charlie. Elle en tremblait à chaque fois. Ô combien ces deux-là se ressemblaient maintenant qu’elle n’avait plus que ça à penser. Qui l’avait prévenu ? Et surtout… Comment pourrait-elle lui faire face sachant qu’elle était là-bas et qu’elle n’avait rien pu faire ? Pourtant elle aurait dû tenter quelque chose, n’importe quoi, au risque d’y laisser la vie. Son psychomage n’aimait pas trop ce genre de pensées, car il savait fort bien vers quoi cela menait.

— Vous êtes à présent en train de vous demander si vous auriez manqué à quelqu’un si vous étiez morte ce jour-là, et vous vous dîtes que probablement non, que votre vie n’est pas aussi importante que l’a pu être celle de cet homme. Je vous mets en garde, mademoiselle Lukeither. Vous êtes remontée à la surface et vous avez aujourd’hui un métier, mais ce n’est pas une raison pour vous nourrir d’adrénaline et de foncer tête baissée vers le danger voire à une mort certaine. Vous reviendrez dans deux semaines, si vous avez un comportement suspect, sachez que j’en serai informé et dans ce cas-là, nous reprendrons le traitement.

— La potion de sommeil pour me clouer au lit vous voulez dire. Ça va, je ne suis pas redevenue suicidaire. Et croyez-moi, beaucoup vont me faire la morale quant à mon nouveau métier, inutile d’en rajouter une couche si vous le voulez bien, je dois rentrer chez moi.

Et que dirait Sigil ? Fallait-il encore lui annoncer la nouvelle de sa promotion, et ça, Alecia ne savait pas par quel bout l’amener, surtout après ce qui venait de se passer. En temps voulu… Ca finirait bien par tomber dans la conversation. Quand le psychomage quitta la chambre, Alecia soupira devant le pétrin dans lequel elle était. Elle ne tenait pas à revivre les longues séances toutes les semaines où on lui expliquerait à quel point elle méprisait la vie. Ils ne voulaient pas croire qu’elle avait changé pour de bon… Du moins comment le pourraient-ils ? Par instinct, ils avaient dû sentir qu’elle demeurait encore presque instable. Grâce à Sigil, elle avait échappé à l’internement il y a peu… Mais elle avait mieux à faire que de finir droguée dans un lit. Comme venger la mort de son supérieur, par exemple. On toqua de nouveau à la porte et Alecia s’attendit à ce que vienne un médicomage pour les derniers examens. A la place, ce fut un beau jeune homme aux yeux bleus qui entra dans la chambre. Charlie. La jeune femme se crispa dans son lit et pinça les lèvres, les larmes au bord des yeux. Mais elle avait assez pleuré et devait être forte, surtout elle n’avait pas le droit de craquer quand lui affichait un maigre sourire de consolation. Maigre, car il était cerné, et Ale vit bien que ça n’allait pas. C’était compréhensible, elle ne pouvait qu’imaginer ce qu’il devait ressentir, comme elle l’avait ressenti à la mort de sa grand-mère. Elle sourit à son tour, forcé, mais convainquant quand il lui dit qu’elle avait l’air d’aller. Une menace et un visiteur inattendu… Quelle drôle de situation.

— Merci Charlie, c’est gentil d’être là, avec des fleurs et du nougat ? Je suis gâtée !

Elle força un peu son rire, essayant de se détendre elle-même. Elle qui raffolait de cette friandise, elle n’en avait aujourd’hui pas du tout envie, pourtant il avait fait ça en sachant que c’était son péché mignon et elle salua l’attention. Il avait vraiment en coeur en or.

— J’attends les derniers examens mais ça va, mes côtes ne me font plus mal, j’ai juste la tête qui tourne parfois, mais tout va bien. Je… Heum… Charlie, je suis vraiment… Vraiment désolée… Pardonne-moi.

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Ne pleurez pas votre passé car il s’est enfui à jamais. Ne craignez pas votre avenir car il n’existe pas encore. Vivez votre présent et rendez le magnifique pour vous en souvenir à jamais.

Charlie ne cessa de répéter à Alecia qu’elle n’était en rien fautive, seulement, pour ne pas trop souffrir de sa culpabilité, cette dernière avait besoin de s’excuser, encore et encore. Pour la mort du père de son ami, et pour ce qu’elle avait décidé de devenir. En sachant ça, la blonde savait que Charlie n’apprécierait peut-être pas le fait qu’elle devienne Auror. Mais des Aurors, il en fallait. Des personnes comme son père aussi. Des personnes qui étaient prêtes à défendre les autres, en connaissant les risques. Ils allaient devoir avoir une longue conversation. Quand Alecia voulut répondre, un médicomage entra dans la chambre pour donner les derniers résultats à la jeune femme.

— Mademoiselle Lukeither ? Nous avons vos derniers résultats. Tout est en ordre, vos côtes sont parfaites et plus aucun signe de trauma pour votre nuque. Votre responsable psychomage a envoyé un hibou à votre nouveau supérieur et vous recevrez d’ici peu la nouvelle date pour votre rendez-vous. Mais tout est en ordre, vous pouvez sortir.

Avec un sourire, le médicomage quitta la salle en les saluant tous les deux et Alecia laissa s’échapper un soupir de soulagement. Elle se releva, lâchant une petite grimace. Si tous ses os étaient en place, les hématomes n’en étaient pas pour autant partis et faire des mouvements trop amples et trop brusques n’était pas la meilleure idée du siècle. Pour autant, elle prit son sac et enfila sa veste quand Charlie lui demanda si elle pouvait sortir.

— Oui, je vais enfin pouvoir sortir de cette prison… Heum… Tu marches un peu avec moi ? Je crois que… Qu’on a besoin de discuter. J’ai besoin de me confier, je crois.

De lui dire pour son futur métier, pour sa formation. Et sans doute pour Jdanov. Elle ne savait pas quoi penser. Surtout pour ce qu’elle avait fait durant l’attaque. Bon sang quelle idée lui était passée par la tête pour défendre ce sale con de Jdanov ? En y repensant, sa seule pensée du moment était la peur. Peur pour lui. Quoique personne ne pourrait lui dire quoi que ce soit, elle avait aussi vérifié le pouls de Leonheart. Mais vraiment, elle se demandait ce qui se passait dans son esprit. Rien que d’y repenser, elle en avait des frissons. Pendant un moment elle resta plantée devant son lit à réfléchir à tord et à travers. Elle ? Avoir un quelconque sentiment positif pour Jdanov ? Alors ça c’était la meilleure !

— Alors ça j’y crois pas... marmonna-t-elle.

C’était d’Aindreas dont elle était amoureuse. Enfin… Elle le pensait. Le voir si peu, même jamais, lui pesait pas mal. Si elle l’avait intéressé, il l’aurait sans doute vue plus souvent, mais ce n’était pas le cas. Alors il était peut-être temps de passer à autre chose. Elle soupira, passa la main contre son front et se tourna vers son ami qui devait certainement se demander si elle n’était pas folle. Elle l’invita à quitter la chambre avec elle et à descendre les étages. La jeune femme ne tenait pas vraiment à rentrer de suite chez Sigil, pour une fois qu’elle pouvait discuter avec Charlie, elle voulait en profiter un peu.

— Heum… Je me suis mise dans le pétrin je crois, haha... dit-elle avec un léger rire. J’ai comme qui dirait un mangemort qui veut ma peau et un autre qui l’empêche de me tuer, si c’est pas ironique… J’suis pas sûre que le métier d’Auror va aider, tu sais… Je vais… Enfin… J’ai reçu ma lettre ce jour-là. Désolée je… Ca doit pas être le meilleur moment et tu vas me faire la morale, Sigil aussi d’ailleurs. Y aura que Jdanov pour se moquer. Oh punaise, pourquoi je parle de Jdanov… Oublie, oublie ce que je viens de dire, j’ai rien dis. C’est… pas important. Je devrais pas, il vaut mieux parler de toi, enfin, tu sais ce que je veux dire. Je ne veux pas être au centre de l’attention.

Elle continua de marcher droit devant elle, horriblement gênée. Tout se bousculait dans sa tête et elle ne savait plus quoi penser.

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Alecia n’avait pas fait attention à ce qu’avait dit le médicomage en dehors du fait qu’elle pouvait sortir. Son esprit était encore trop embué et elle se sentait fatiguée, autant physiquement que mentalement. Prendre l’air lui ferait beaucoup de bien, ainsi que de rentrer et de se poser, pour exposer son ressenti à Sigil. Le mois de Juin toucherait bientôt à sa fin, les professeurs rentreraient chez eux pour la plupart. C’était peut-être le bon moment pour contre-attaquer et montrer aux mangemorts que les sorciers qui voulaient s’opposer à eux étaient bel et bien là. Charlie avait avoué être perdu dans ses pensées et Alecia le comprenait aisément. La situation était assez… conséquente, avec tous les problèmes et pertes qu’elle soulevait. Charlie avait perdu son père. La jeune femme ne savait pas tellement quel genre de relation il entretenait avec lui, mais elle ne doutait pas qu’il lui était cher. Elle ne pouvait pas en dire autant du sien. Elle ne savait pas vraiment comment elle réagirait si son père venait à mourir, ou même sa mère. Elle n’avait pas de nouvelles d’eux depuis le Noël de sa sixième année à Poudlard et têtue comme elle l’était, n’en avait jamais redemandé. La seule chose qui lui manquait était de voir son jeune frère. Il devait avoir quatre ans à présent, ou presque. Ale se le demandait toujours. Mais mieux valait qu’il reste à l’abri chez les moldus, de toute façon il était bien trop jeune pour être impliqué. Quand il lui dit qu’il préférait l’écouter et ironiquement que les mangemorts avaient du coeur, Alecia bloqua quelque peu.

— J’en sais rien… Je sais plus… On est tous humains, on fait tous les mêmes erreurs mais… Comment on peut en arriver à un point pareil ? De cruauté et tout ce qui va avec… S’ils ont un coeur je sais pas où il est passé. Et j’ai pas envie de le savoir.

Alecia ne se sentait en tout cas aucunement capable de tuer quelqu’un de sang froid. Pour se détruire elle-même et faire voler son âme en éclats ? Pour peu que ça existe mais c’était apparemment le cas, pour ce qu’elle avait lu de livres d’histoire. Elle devait être l’une des rares à suivre les cours d’Histoire à Poudlard, et pourtant, ce que le passé avait à apprendre à ceux vivant dans le présent ! Tout le monde à l’époque pensait que tout était fini une fois pour toute, et voilà qu’aujourd’hui on en revenait à une nouvelle guerre. L’Histoire se répétait sans cesse et personne n’apprenait jamais. C’était comme une boucle infinie qui donnait mal au ventre à la future Auror. Et il n’y avait plus d’Albus Dumbledore, plus de Harry Potter pour représenter un quelconque espoir fiable et durable. Plus non plus de… Oh !

— Hé… Attends une minute... marmonna-t-elle. Tu crois qu’un rendez-vous avec la directrice de Poudlard est possible ? Parce que je crois que je viens d’avoir une idée qui risque d’énerver nos “amis” les mangemorts.

C’était brillant, absolument brillant, à condition que ça fonctionne et que ça reste relativement secret. Les mangemorts voulait rester dans leur petit groupe secret, à l’abri des regards ? Bien, leurs ennemis feraient pareil dans ce cas. Alecia ne comprenait pas que personne n’y avait pensé plus tôt. Ainsi, tous les volontaires pourraient enquêter, se battre, et réellement trouver les mangemorts ainsi que leur identité.

— Charlie, nous avons un ordre à fonder de nouveau. Tous ensemble.

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Ne pleurez pas votre passé car il s’est enfui à jamais. Ne craignez pas votre avenir car il n’existe pas encore. Vivez votre présent et rendez le magnifique pour vous en souvenir à jamais.

Alecia avait parfois des idées saugrenues ou qui lui tombaient dessus comme ça sans prévenir. Quand elles lui semblaient trop folles, Ale se privait bien d’en parler à quiconque et y réfléchissait à deux fois avant de dire une bêtise, parfois il lui suffisait de mettre un peu de sens dans son esprit et le tour était joué mais parfois elle avait vraiment l’impression de réfléchir à trop de choses à la fois et de faire un méli-mélo complètement idiot de toutes ces choses. Mais quand les idées lui paraissaient meilleures, réalisables, fondées, elle ne lâchait jamais rien jusqu’à ce qu’elles deviennent réalité. L’idée de refonder l’Ordre du Phénix était de cette seconde catégorie. La jeune femme était certaine que ça fonctionnerait, à condition qu’il reste secret et qu’il ne soit composé que d’un petit comité soudé et efficace, sinon à quoi bon ? Lorsque Charlie lui demanda qui serait d’avis de les rejoindre, Alecia fit une petite moue puis réfléchit.

— Ysaline et son fiancé, pour sûr. Sigil aussi nous rejoindrait, j’en suis sûre. Le ministre, aussi, même si je sais que, enfin… Toi, moi. Nous n’avons pas forcément besoin d’être énormément… Il faudrait nous organiser en premier lieu...

Ce n’était pas gagné d’avance mais au moins cela avait le mérite de pouvoir être tenté. L’Ordre prendrait de revers les mangemorts durant leurs attaques et il pourrait les espionner plus facilement. Mais il leur fallait rester cachés, sauf peut-être en cas des urgences les plus extrêmes… Enfin, ils auraient bien le temps de penser à tout cela lorsque les personnes concernées en premier lieu seraient au courant. En attendant, Charlie semblait avoir quelque chose d’urgent à faire, et comme il était venue la chercher, Alecia n’allait certainement pas le laisser aller se faire tout seul, elle appréciait sa compagnie et se sentait plus dans l’humeur de la discussion à présent.

— Oui, bien sûr, je viens avec toi, ça ne me dérange absolument pas.

Au fond un petit tour ensemble ne leur ferait pas de mal, ils avaient bien besoin, l’un comme l’autre de ne pas rester seuls trop longtemps sous peine d’encore se faire du mal tous seuls...