NO LIGHT,
NO LIGHT IN YOUR BRIGHT BLUE EYES
Une porte claque, faisant trembler les murs fins et décrépis du petit appartement. Aussitôt Cassie se redressa et du haut de ses huit ans elle s’empressa d’éteindre la télévision, un frisson glacé se répandait le long de son dos. Ce bruit elle le connaissait par cœur, elle le guettait tous les jours avec une angoisse de plus en plus grande car il signifiait que son père rentrait. Dans toutes les familles les enfants sont heureux de revoir leur père rentré à la maison, mais ça ne se passe pas comme ça chez les Standford, car Henry Standford n’était pas le père aimant et complice dont toutes les petites filles rêvaient. Henry Standford était un homme amer et brisé, peu épargné par la vie il gardait en lui une rancune et une violence qui le consumait à petit feu. Lui et toutes les personnes qui l’approchaient. Plusieurs années auparavant il avait perdu son emploi à cause de son impulsivité et de son agressivité croissante, depuis il enchainait les petits boulots sous payés et ingrats. Personne ne voulait de lui et l’argent, qui n’avait jamais coulé à flot dans la famille, se faisait de plus en plus rare, les plongeant dans la spirale infernale de la pauvreté. Sa rage contre le monde s’était développée en même temps que son penchant pour l’alcool et cela n’avait épargné personne, pas même sa famille. Surtout pas sa famille.
En entendant les bruits de pas s’approcher Cassie se dépêcha de faire descendre ses frères et sœurs du canapé. Joan, Théo et Mary étaient tous plus jeunes qu’elle et elle ne voulait pas les exposer au regard de son père alors elle les envoya jouer dans la chambre qu’ils partageaient tous les quatre en faisant le moins de bruit possible. La silhouette imposante de son père apparue dans le salon avant qu’elle n’ait eu le temps de refermer la porte derrière elle. L’odeur âcre de l’alcool envahie la pièce exigüe et instinctivement elle chercha à se faire plus petite. Son père avait l’apparence d’un homme abattue mais son regard trahissait la violence qui l’habitait. Avant que quiconque n’ait pu faire un geste la porte de la chambre se referma brutalement, séparant les trois plus jeunes de leur paternel, les en protégeant temporairement. Un grognement de mécontentement franchit les lèvres de l’homme tandis que son visage se tordait en un rictus de colère, c’était Cassie qui avait fait cela, elle n’avait pas touché à la porte mais c’était elle. Il y avait quelque chose qui clochait chez l’enfant et il détestait ça. Les évènements étranges se multipliaient autours d’elle, des choses qui ne devraient pas exister et tout cela le dégoutait au plus haut point. Ivre de colère et d’alcool il se précipita sur son enfant, elle avait sentie le coup venir mais elle n’avait rien pu faire pour l’éviter. La main de son père s’abattit avec force sur sa joue l’envoyant au sol alors qu’il lui hurlait de ne plus jamais recommencer. Clouée sur le parquet terne elle n’osa pas se relever, les yeux dans le vide elle ne voulait pas voir le regard de dégout que lui lançait son propre père avant de se détourner d’elle pour rejoindre sa femme dans la cuisine.
Avec des gestes saccadés et hésitants Cassie massa sa joue endolorie et essuya ses yeux embués. Elle entra dans la chambre, retrouvant ses deux frères et sa sœur occupés à jouer avec des poupées défraichies, elle espérait qu’ils n’avaient pas encore conscience de ce qu’il se passait chez eux. Elle était l’ainée et en les voyants là, jouant à même le sol, des sentiments contradictoires se réveillèrent en elle, tout l’amour qu’elle leur portait et toute l’amertume que son rôle de première née lui apportait. Elle était l’ainée, c’était son rôle de les protéger, mais elle, il n’y avait personne pour le faire. Car leur mère ne leur était d’aucun secours. Elizabeth Standford était une femme simple mais effacée et facilement impressionnable. Elle était douce, mais elle l’était bien trop pour son propre bien et c’était ce qui causait sa perte. Elle avait peur de son mari et jamais elle ne s’interposait entre lui et leurs enfants, elle vivait sous la menace quotidienne, trop faible pour la combattre. Elle préférait fermer les yeux, occulter ce qu’il se passait sous son propre toit, soigner les bleus de ses enfants au lieu d’empêcher son mari de les frapper quand trop de colère le submergeait. Du haut de ses huit ans Cassie était déjà déchirée entre les sentiments qu’elle nourrissait à son égard. Elle aimait cette femme douce qui la berçait et leur racontait des histoires le soir lorsque leur père s’était écroulé sur le canapé mais elle gardait aussi une certaine rancœur elle. Envers cette femme qui vivait dans la peur et qui ne pouvait pas protéger ses enfants, qui ne remplissait pas son rôle et qui, de ce fait, forçait la fillette à le faire à sa place.
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IT'S GONNA BE A LONG WAY TO HAPPY
Cassie fixait le bout de parchemin d’un air désemparé, ne sachant pas trop quoi en faire. Devait-elle oui ou non écrire à sa famille ? Cela faisait maintenant trois semaines qu’elle avait fait sa rentrée à Poudlard et c’était aujourd’hui seulement qu’elle avait trouvé le courage de rédiger une lettre pour sa famille. Son départ pour l’école avait été un moment particulièrement difficile, elle avait été tiraillée par son désir de quitter son appartement et sa vie misérable et la douleur de se séparer de ses frères et de sa sœur qu’elle aimait tous les trois profondément. Elle avait terriblement peur pour eux mais elle savait que dans leur malheur ils étaient mieux traités qu’elle, c’était elle qui avait toujours essuyée la violence et les coups de son paternel, c’était elle qui était considérée comme un monstre par celui qui l’avait élevée. Ses frères et sœurs n’avaient jamais montré d’aptitudes pour la magie, elle était la seule de sa famille à avoir été appelée à rejoindre Poudlard. Elle n’avait pas eu le choix au final, elle était une sorcière il était de son devoir d’apprendre à maitriser ses pouvoirs si elle ne voulait pas devenir un danger pour la société. Mais son départ lui avait déchiré le cœur, tout autant que son arrivée dans l’école lui avait permis de cautériser les blessures de son passé.
Rien n’avait changé chez elle, son père était toujours l’homme violent et amer qu’il avait toujours été et sa mère semblait de plus en plus effacée, surement trop effrayée pour essayer de faire fuir son bourreau. Alors Cassie avait continué d’endosser ce rôle d’ainée, de responsable de ses frères et sœurs, beaucoup trop lourd et difficile pour elle. Ce rôle qui la dégoutait au plus profond de son être et qui la détruisait à petit feu. La révélation de sa nature de sorcière n’avait fait que détruire un peu plus cette famille dysfonctionnelle qui était la sienne. Son père rejetait en bloc la nature de son enfant et les dons qui lui avaient été donnés, tout cela lui semblait contre nature. Chaque apparition de magie le mettait dans une rage folle dont Cassie faisait immanquablement les frais. Les cris emplissaient de plus en plus souvent leur appartement. Sa mère, elle, avait pris peur en apprenant que sa fille ainée était une sorcière, elle s’était murée dans le plus grand des silences pendant de longs jours avant de réaliser que sa fille n’avait au fonds pas véritablement changée. Leur relation était devenue plus hésitante et timide, comme si elles avaient du mal à se reconnaitre, mais au final elles s’aimaient toujours autant. C’était surement ses deux petits frère et sa sœur qui avaient le mieux pris cette révélation, ils avaient été choqués au début mais leur âme d’enfant c’était rapidement émerveillée devant ce que pouvait accomplir leur ainée. Cassie aurait sans doute quitté son foyer sans le moindre regret s’ils n’avaient pas été là. Mais elle n’était pas seule et en partant elle avait laissé une partie de son cœur à ses frères et sa sœur.
Cassie était à Poudlard depuis trois semaines et tout aurait pu être parfait. Elle adorait sa nouvelle condition de sorcière et tout lui paraissait passionnant. Elle se rendait à chaque cours avec enthousiasme et ne se lassait jamais de voir la magie à l’œuvre. Tout aurait bel et bien pu être parfait mais ce n’était pas le cas. Chaque jour son passé et sa famille formaient un poids intolérable sur sa poitrine. Elle avait du mal à se lier aux autres alors elle ne s’était pas vraiment fait d’amis pour le moment. Elle ne savait pas accorder sa confiance, elle était cruellement consciente de ce dont l’être humain était capable, alors elle préférait rester seule la plupart du temps et garder le silence lorsqu’elle était avec les autres élèves de sa maison. Elle faisait tout son possible pour donner une image forte d’elle-même mais au fonds chaque jour était une véritable torture et le soir venu les larmes venaient envahir ses joues. Elle souffrait en silence, de son passé, de savoir ses frères et sœurs coincés avec leur père, de savoir que jamais sa mère ne saurait s’affirmer et enfin profiter de la vie. Elle se sentait brisée de l’intérieur, piétinée durant des années elle avait l’impression que jamais elle ne pourrait vivre une vie sereine. Une peur panique l’envahissait à l’idée de devoir retourner chez elle alors elle prit rapidement la difficile décision de ne rentrer que quand elle y était obligée.
Finalement elle poussa un long soupir et s’approcha d’un des hiboux grands ducs de l’école. Avec douceur elle accrocha le parchemin à la patte et avant de le laisser s’envoler elle lui intima de ne délivrer cette lettre qu’à ses frères et sœur, et uniquement à eux. Ils informeraient sa mère de ces nouvelles mais il n'y avait qu'à eux qu'elle accordait son entière confiance
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DON'T GET TOO CLOSE
IT'S DARK INSIDE
Le soleil brillait haut dans le ciel, gratifiant le château d’une chaleur bienvenue. Assise contre un grand chêne à l’orée de la forêt interdite Cassie semblait contempler tranquillement le lac. Pourtant ses lèvres tremblaient et des larmes douloureuses coulaient lentement sur ses joues blêmes. Elle souffrait en silence, de son passé, comme toujours, qui parvenait à empoisonner son présent. De la douleur constante dans son cœur et de la peur qui l’envahissait à chaque fois que l’image de son père traversait son esprit. Même maintenant elle avait l’impression de ne pas pouvoir vivre normalement, de ne pas mériter d’être heureuse. Alors elle faisait semblant d’aller bien, elle souriait malgré les distances qu’elle impose aux autres mais elle craquait lorsqu’elle se retrouvait seule, rongée par cette souffrance qui la bouffait littéralement de l’intérieur. Même après une année complète à Poudlard elle ne s’était toujours pas sociabilisée comme l’avaient fait tous ses camarades. Pourtant elle n’était plus seule, une présence s’était fait sentir à ses côtés, inattendue et incompréhensible. Elle releva la tête et reconnu à travers ses larmes un jeune femme qu’elle avait déjà croisé de nombreuses fois. Elle s’apprêta à lui demander de partir, mais elle resta simplement là en silence, elle ne se moquait pas et elle ne cherchait pas non plus à la réconforter. Alors elle garda le silence, elle accepta sa présence même si elle se sentait un peu mal à l’aise. Elle était le premier à la voir dans cet état, elle qui faisait tous les efforts du monde pour le cacher. Ce petit manège se reproduisit de nombreuses fois, ce n’était pas Cassie qui le cherchait c’était cette jeune sorcière qui venait la trouver et qui s’installait près d’elle alors qu’elle laissait libre cours à sa peine. Et un jour elle commença à lui parler, elles n’avaient jamais échangé un mot mais après avoir passé tant de temps en silence l’un à côté de l’autre elle avait presque l’impression de la connaitre. Elle avait du mal à se confier mais peu à peu elle fini par réussir. Elle lui parla de son passé, de sa famille, de ce qu’elle avait subit et qu’elle continuait de subir chaque été lorsqu’elle était obligée de rentrer chez elle. Parler lui faisait le plus grand bien et elle finissait par se confier sur ses sentiments, sur la douleur avec laquelle elle vivait au quotidien. Bientôt cette jeune femme savait tout d’elle, tout ce qui la faisait tant souffrir et lui faisait si honte. Au contact de sa camarade Cassie évolua, elle l’aida à aller vers les autres, à s’ouvrir au monde, à profiter de ce que Poudlard avait à lui offrir. Elle la rendit plus sociable, plus apaisée aussi. Elle avait une bonne influence sur la jeune femme fragile qu’elle était et elle se montrait si digne d’elle et attentionnée qu’elle ne tarda pas à le considérer comme sa meilleure ami. Elles devinrent inséparables et Cassie su enfin ce que Poudlard avait à lui offrir.
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BROKEN DREAMS AND SILENT SCREAMS
La porte claqua avec violence, mais cette fois-ci c’était Cassie qui tenait la poignée. A travers le mur de l’appartement les cris de son père lui parvenaient toujours. Il lui hurlait de partir, qu’une bouche en moins à nourrir ne serait pas de refus et qu’il ne voulait plus d’elle sous son toit. Cassie, elle, oscillait entre la rage et la peur la plus totale, elle venait de fuir son foyer et même si c’était le lieu de toutes ses souffrances elle était profondément apeurée par tout ce que cela voulait dire. Elle resta un long moment prostré dans le couloir à écouter les cris de sa famille, ses frères et sœurs, aujourd’hui assez grands pour se protéger seuls, ne semblaient pas accepter la décision de leur père. C’est pourtant les membres agités de tremblement irrépressibles et le visage ravagé par les larmes qu’elle fini par se lever. Sans un regard en arrière elle s’éloigna de ce qui avait été son foyer, le lendemain elle profita de savoir l’appartement vide pour récupérer toutes ses affaires, elle quitta ensuite la ville de York, se promettant de ne plus jamais y retourner. Avec le peu d’argent qu’elle possédait elle rejoignit Londres et elle s’installa dans une des petites chambres sombres du Chaudron Baveur. Elle avait fuit sur un coup de tête mais elle avait maintenant besoin de réfléchir à ce qu’elle allait faire, elle allait avoir besoin d’argent pour subvenir à ses besoins lorsqu’elle ne serait pas à Poudlard. Du haut de ses seize ans Cassie prit la difficile décision de se prendre en main, elle était seule désormais et elle ne pouvait compter que sur elle-même. Voyant ses maigres économies s’amoindrir bien trop rapidement elle se rendit compte que même en trouvant un petit travail sur le Chemin de Traverse elle n’aurait jamais assez pour vivre correctement. La mort dans l’âme -et avec une gêne infinie- elle fini par se rendre chez sa meilleure amie, la seul en qui elle avait une confiance sans bornes. Arrivée devant elle, elle failli changer d’avis et ne rien lui dire mais elle avait compris que quelque chose ne tournait pas rond, alors elle lui avoua qu’elle avait fugué de chez elle et qu’il était hors de question qu’elle y retourne. Après de nombreuses discussions avec ses parents -et leur avoir avoué à demi-mots sa situation familiale- ils acceptèrent de l’héberger, lui donnant enfin l’occasion de pouvoir évoluer dans un univers stable et de savoir ce que cela faisait de vivre dans une famille normale. Avec cette stabilité nouvelle Cassie sait qu’elle doit beaucoup a sa meilleure amie, c’est grâce à elle que tout cela fut possible. Elle se sent comme libérée d’un poids et elle peut enfin espérer vivre plus tranquillement. Mais c’est sans compter les étranges évènements qui frappent le monde magique.