- J'ai la joie de vous présenter l'héritier de la famille Hemingway, Jaxon Alphard Hemingway ! , lança avec fierté un homme d'une trentaine d'année en levant son verre en direction d'un beau bébé aux joues roses que sa mère tenait dans ses bras, à ses côtés.
L'assistance tout entière applaudit, et tous levèrent à leur tour leur verre. Le bébé se mit à s'agiter, visiblement décontenancé et agacé par ce tapage soudain, sans pouvoir encore se rendre compte de ce qui se jouait ici. Jaxon Alphard Hemingway, nommé ainsi en référence à ses grands-pères paternel et maternel, n'était pas un enfant comme les autres. Non seulement ses deux parents étaient sorciers, mais tous deux descendaient de lignées très prestigieuses de sorciers, très fiers de ne compter aucun moldu dans leur arbre généalogique, et la famille Hemingway était sans conteste au nombre des familles riches et influentes au sein du monde sorcier - un des ancêtres de Jaxon, Archibald Hemingway, avait même été en son temps ministre de la magie. Il va sans dire que bien sûr, à la fin du siècle précédent, nombre de ses aïeux faisaient partie des partisans de Lord Voldemort. On en attendait donc beaucoup de ce petit garçon âgé d'à peine quelques jours qui serait un jour le premier représentant de la famille Hemingway - même si pour l'heure ses parents se satisferaient de le voir faire rapidement ses nuits...

L'enfance de Jaxon fut heureuse. Même s'ils ne le montraient pas, ses parents l'aimaient beaucoup et il le leur rendait bien, et il en allait de même avec sa petite soeur, de deux ans sa cadette. Toutefois, s'il s'entendait très bien avec tous les enfants de son âge qu'il fréquentaient, les enfants de ces autres sorciers de bonne famille, amis de ses parents, Jaxon avait souvent l'impression de ne pas être à sa place parmi eux. Peut-être parce qu'il n'aimait pas se pavaner devant les autres, parce que les idéaux mangemorts que ses parents tentaient de lui inculquer n'avaient pas de prise sur lui. Mais il était encore bien jeune pour s'occuper de ce genre de chose. Pour l'heure, il était à l'hôpital, avec tous ses amis, au chevet d'Amoredia Darkwood. Sa meilleure amie, sans aucun doute. Bien sûr, ils étaient très différents tous les deux, il n'y avait qu'à entendre Amoredia raconter dans un récit épique et sans doute très exagéré la façon dont elle s'était retrouvée à Sainte-Mangouste faisant ainsi la première démonstration de ses pouvoirs magiques, et manquant au passage d'incendier le manoir de ses parents. Jaxon n'avait même pas parlé à ses amis de sa propre première démonstration de magie, quelques semaines plus tôt, alors qu'elle avait aussi quelque chose de spectaculaire : alors qu'il escaladait un meuble du salon, il avait perdu l'équilibre mais, alors qu'il allait tomber par terre et que le meuble vacillait à son tour, il s'était retrouvé sans comprendre comment plusieurs mètres plus loin alors que les lourds montants de bois s'écrasaient à l'endroit exact où il aurait dû se trouver. En attendant, il feuilletait un magazine sur la table de chevet de la jeune fille, ayant pris l'habitude depuis longtemps de en l'écouter que d'une oreille distraite lorsqu'elle se lançait dans ces grands discours pour attirer l'attention de tous... et aussi quelque part pour masquer l'inquiétude qu'il avait ressenti lorsqu'on lui avait dit qu'elle était à l'hôpital. Son état était la seule chose qui importait. Il voyait à présent qu'elle était parfaitement rétablie, et tout pouvait donc revenir à la normale. Quelles que soient leurs différences, quels que soient les efforts que faisait le petit garçon pour cacher son affection pour sa camarade, il y avait vraiment quelque chose entre ces deux-là. Et Jaxon imaginait bien que ce lien d'amitié ne pourrait jamais être rompu. Il avait tort. L'entrée à Poudlard quelques années plus tard allait tout changer.

Ne pas aller à Poudlard n’avait jamais été une option. Jamais l’on n’aurait seulement osé imaginer que l’unique fils de Caspar Hemingway puisse être un Cracmol – ce qu’il avait d’ailleurs démontré assez tôt ne pas être -, et quant à le faire aller dans une autre école de magie… cela aurait été inconcevable, de la part d’une famille si fière de faire partie de la descendance de Pollux Hemingway, l’un des plus grands directeurs de Poudlard du XVIIIème siècle. Il n’y eut donc pas de surprise à ce que Jaxon reçoive sa lettre au début de l’été, l’année de ses onze ans ; ses affaires scolaires, à l’exception des livres que l’on ne pouvait prévoir à l’avance, étaient déjà prêtes bien avant. Il monta donc dans le Poudlard-Express le 1er septembre suivant et passa le trajet en compagnie de ses amis. Contrairement à beaucoup de jeunes sorciers qui se trouvaient là, on ne peut pas dire qu’il fut impressionné par le château lorsqu’il le vit pour la première fois depuis la barque qui les y conduisait depuis le train,  pas plus que par le plafond magique de la Grande Salle : il avait déjà vu des manifestations magiques tout aussi extraordinaires. Il n’était pas non plus inquiet lorsque vint le moment de la répartition. Jamais Jaxon ne s’était demandé dans quelle maison on l’enverrait. Pour lui c’était une évidence : ses parents, ses grands-parents, et même sans doute la plupart de ses ancêtres étaient passé par Serpentard. Il ne pouvait qu’à son tour rejoindre les verts et argent. Pas parce qu’il avait particulièrement envie de rejoindre cette maison, d’ailleurs, mais parce que c’était ce qui était censé se passer. D’ailleurs, comme prévu, tous ses amis appelés avant lui rejoignirent la table des Serpentard. Entendant son nom, Jaxon ne put s’empêcher, avant de s’avancer, de jeter un regard à ses camarades qui n’avaient pas encore été répartis, juste pour s’assurer qu’il n’avait parmi eux aucun double mystérieux sur le point de se manifester – après tout, c’était bien ce qu’il venait d’arriver à Amoredia, avec cette Mélissandre Darkwood sorti de nulle part qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Lorsque l’on posa le choixpeau sur sa tête, il n’hésita pas longtemps avant de s’exclamer, à la grande surprise du jeune garçon «  Gryffondor ! ». Il trouvait juste cela amusant - et peut-être même quelque part logique, étant donné qu'il s'était toujours senti en quelque sorte... "différent" - alors qu’il se dirigeait vers la table des rouge et or sous les applaudissements ; il n’imaginait pas que cela changerait quoi que ce soit pour lui. Et pourtant… Dès le lendemain, il ne put que se rendre compte que la plupart de ses amis avaient cessé de l’être au moment même où il avait été réparti. Même Amoredia. Surtout Amoredia. Elle refusait de lui parler, affirmait qu’il était un traître à son sang désormais. Comme si tout  avait changé pour une stupide couleur de cravate, alors que même ses parents ne trouvaient rien à dire à cela – ils n’avaient pas fait de commentaire sur sa maison, et s’abstenaient toujours d’y faire allusion, mais faisaient au moins comme si de rien n’était. Les premiers temps de sa première année furent les pires qu’eut à vivre Jaxon, mais, n’étant pas du genre à se laisser abattre, il finit par se ressaisir, à trouver ses marques à Poudlard et dans la tour de Gryffondor, qu’il n’aurait en fin de compte échangée pour les cachots abritant la salle commune de Serpentard pour rien au monde.

Jaxon était à présent en septième année. Poudlard était presque fini, ses BUSE s'étaient très bien passées, et il allait faire de même -du moins il l'espérait - pour ses ASPIC avant de rentrer au ministère avec son père. En attendant, il lui restait encore un an à profiter de l'école de magie. Il était assis ce matin là à la table des Gryffondor, face à Mélissandre. Sa meilleure amie, presque depuis leur entrée à Poudlard, depuis qu'Amoredia lui avait tourné le dos... Amoredia qui se trouvait justement être la soeur jumelle de Mélissandre. Malgré ce que l'on aurait pu croire, surtout avec la ressemblance des deux jeunes filles, Jaxon ne les envisageait pas du tout de la même manière. Mélissandre était comme une soeur pour lui, ils se disaient tout, se comprenaient parfaitement l'un l'autre, même d'un simple regard. Pour Amoredia, c'était plus compliqué. Il lui en voulait toujours d'avoir envoyer promener leur amitié pour un préjugé à la noix. Mais elle lui manquait, et il ne cessait de penser à elle ; il ne supportait pas de la voir avec tous ces garçons avec qui elle ne sortait que parce qu'elle savait très bien que cela l'ennuierait, il en était persuadé. Lui qui pourtant avait l'air si calme d'habitude avait toujours envie de casser quelque chose pour passer ses nerfs lorsqu'il la savait avec un autre. Pas qu'il soit jaloux... Ou peut-être bien. Il n'en savait rien, et préférait ne pas se poser de questions à ce sujet : en bon Hemingway, il continuait d'éviter les sujets qui fâchent, même avec lui-même. En parlant d'Amoredia, elle était là, elle aussi, à quelques mètres d'eux à la table des Serpentard... et il aurait juré que, tout comme lui, elle le regardait discrètement. Jaxon n'hésita pas un instant, l'occasion était trop belle. Paré de son sourire le plus charmeur, il se tourna vers Mélissandre  : "Méli ne bouge pas, tu as quelque chose sur la joue". Il se pencha vers elle pour chasser doucement de sa joue un cil imaginaire, avant de reprendre son petit-déjeûner comme si de rien n'était. Il n'avait pas besoin de lever les yeux vers la table des Serpentard poru imaginer le regard vert de rage d'Amoredia. C'était le meilleur moyen qu'il avait trouvé pour l'ennuyer autant qu'elle l'ennuyait, lui : flirter avec sa soeur jumelle. Bien sûr, ce n'était qu'un jeu, il n'y aurait jamais rien entre Mélissandre et lui, mais en attendant cela semblait remplir parfaitement son objectif. Il n'écouta d'ailleurs même pas les reproches de sa meilleure amie, il savait très bien qu'elle désapprouvait son comportement, mais n'avait tout simplement pas l'intention d'en changer. Du moins pas dans l'immédiat. Pour l'heure, il se contenta d'un sourire d'excuse avant d'engloutir le reste de sa tartine et de se lever de table pour finir un devoir de métamorphose à rendre l'après-midi même. Quoi qu'il se passe, la vie continuait après tout...