Il la regarda droit dans les yeux, une larme coula sur sa joue, puis s'ensuivirent des milliers d'autres. Camille la tenait fermement dans ses bras, comme si son corps inerte respirait encore, il espérait tant, mais savait qu'il était arrivé trop tard. Le sanglot qui se bloqua dans sa gorge sortit à peine, il souffrait intérieurement, tellement qu'il sentait ses membres le lâcher sous ce poids de la culpabilité. Il venait d’assister à une chose terrible et rien que d'y penser, l'accablait encore plus. Il sentait ses jambes ne plus le porter, mais il continua à courir, observant le regard encore apaisé de cette fille, cette fille pour laquelle il aurait du se battre, mais il avait dû supporter sa mort tout en restant impuissant. Lorsqu'il vit ses parents au loin, il leur fit signe, puis lorsqu'ils arrivèrent, il la posa délicatement par terre et se jeta dans les bras de sa mère. Il ferma les yeux, puis lorsqu'il les rouvrit, il se trouvait dans sa chambre. Le plafond blanc, accompagné de ses murs marrons. Il se leva et mit son pull avant de descendre. Ses parents l'attendaient là, sur le canapé, une tasse de café à la main. Une femme était assise à côté d'eux et le regardait gravement. Camille savait très bien pourquoi elle était là et il ne mit pas longtemps à comprendre qu'il avait refait un cauchemar, c'était toujours le même, la mort de cette fille qu'il n'avait encore jamais vu, et pourtant pour laquelle il pleurait. Son cerveau lui jouait des mauvais tours, c'est pour cela que cette psychologue était venue. Bien connu dans le monde des sorciers, son père avait sûrement du ouvrir grand son porte-monnaie pour la faire venir chez eux, dans leur maison. Sa mère s'approcha de lui et l'embrassa sur la joue, puis s'en alla en attrapant son manteau, suivit de son père. La jeune femme tapota la place à côté d'elle sur le canapé, mais Camille préféra s'asseoir sur le fauteuil en face. Il ne lui laissa pas le temps de parler et dit :

« Je sais pourquoi vous êtes là, mais je n'ai rien à dire, je suis un sorcier, allant à Poudlard et je n'ai jamais vécu un événement traumatisant de toute ma vie. Je ne suis pas fan du fait que je dois vous parler de ma vie ou de quoi que ce soit d'autre. Alors donnez moi des somnifères comme ça ce sera plus rapide. »

Elle lui sourit timidement, à croire que ce n'était pas la première fois que quelqu'un lui disait ça. Elle devait souvent se faire remballer, mais elle avait l'air déterminé et c'était peut-être ce qui rassurait Camille. Il voulait savoir ce qui clochait et même s'il n'aimait pas parler de sa vie ou de ses problèmes personnels, il devait quand même se livrer à elle. Elle inspira et répondit :

« Je comprends Camille. Mais je suppose que tu as envie de savoir ce cloche chez toi, puis nous savons tous les deux très bien que des somnifères ne fonctionneront pas. Déjà, commençons par le début, tu peux m'appeler Paulina et si tu le veux bien, je vais te poser quelques questions, auxquelles j'aimerais que tu répondes ! »

Le jeune homme hocha de la tête, il en avait marre de toujours se dresser contre l'autorité, il s'entendait plutôt bien avec ses parents, mais il aimai les défier et ça depuis toujours. Paulina marqua une pause avant de continuer :

« Cette séance restera entre nous deux et même si tu penses que tu n'as jamais vécu quelque chose d'extraordinaire dans ta vie, ça ne fait pas jamais de mal de parler à quelqu'un d'objectif. Alors si ça ne te dérange pas, est-ce que tu pourrais me décrire ta relation avec tes parents ? »

Camille n'avait pas grand chose à dire sur ça, ne serait-ce qu'il s'entendait très bien avec eux. Il avait un frère qui avait un an de moins et qui le jalousait toujours. Ne serait-ce parce que le jeune homme était quelqu'un d'extraverti, ce n'était pas dans ses habitudes d'être désagréable, enfin seulement quand on le laissait tranquille. Mais son père était en quelque sorte son modèle, secrètement bien entendu. Il ne souhaitait pas devenir un fils à papa et il était bien entendu souvent en conflit avec celui-ci, mais jamais ne l'avait-il détester. Camille n'aimait pas se remettre en question, il était arrogant, fier et toutes ces bêtises qui pouvaient rendre une personne détestable. Mais avec ses parents il essayait de se contrôler en sachant qu'ils avaient toujours été là pour lui, surtout depuis que ses cauchemars avaient commencé. Le brun s'appuya contre le fauteuil et dit :

« Et bien, disons que je n'ai jamais eu de problèmes avec mon père, ni ma mère. En fait je m'entends très bien avec eux, je sais qu'ils feront tout pour que je sois heureux et me suivront dans n'importe quel de mes choix. Ca peut paraître bizarre, mais je ne serai sûrement pas là sans eux, enfin même si j'ai l'impression d'être un peu couvé parfois. Ma mère met tout son espoir sur moi, à croire que mon frère ne sert à rien et m'étouffe un peu. Mais je ne lui en veux pas, après tout elle fait ça parce qu'elle m'aime. »

En y réfléchissant, c'est vrai qu'il avait l'impression d'être couvé par ses parents, d'une part parce qu'ils étaient constamment sur son dos, car ils ne voulaient pas être sur celui de son frère et aussi parce qu'ils savaient qu'il était ambitieux et qu'il comptait faire quelque chose de sa vie plus tard. Ils le poussaient parfois à bout, de quoi faire exploser, intérieurement, Camille. Il aimait être tranquille et même s'il adorait son père et sa mère, parfois il aspirait à plus de liberté. N'ayant pas fini, il poursuivit donc :

« En fait en y réfléchissant un peu, c'est vrai qu'ils me mettent peut-être la pression, mais parfois c'est bien, parce que ça m'encourage ! J'ai envie de leur faire plaisir et je sais qu'ils me supportent complètement, mais parfois je préfèrerais qu'ils se concentrent ainsi sur mon frère. »

Paulina écrivit tout sur son parchemin avec sa plume et hocha occasionnellement de la tête, comme si elle assimilait tout ce qu'il disait et qu'elle en faisait un schéma d'ensemble. Cela l'effrayait, car cela faisait maintenant un an qu'il avait ces cauchemars et qu'il souhaitait savoir ce qui n'allait pas et peut-être qu'en parlant, qu'en se confiant il pourrait savoir et comprendre. En réalité il était réservé, peut-être sociable, mais il n'aimait pas parler de ses états d'âmes, il était très à l'écoute, mais préférait ne rien dire à son sujet ou s'ouvrir tout simplement. La psychologue posa le parchemin sur ses genoux et dit :

« Je comprends, et avec ton frère ? »

Athanor n'était pas vraiment très compréhensif et surtout très jaloux. Que ce soit à Poudlard ou encore à la maison, car il ne supportait pas que Camille ait des meilleures notes, une vie sociale plus active et surtout tout l'attention de leur parent. Il était agressif avec tout le monde et restait souvent seul dans sa chambre. Il n'aimait pas travailler, fainéant, désagréable, tout le monde le connotait d'adolescent. Et pourtant Camille se sentait obligé de l'aider en tant qu'aîné. Le Serdaigle voulait avoir une bonne relation avec son cadet, que ce soit par principe ou tout simplement parce qu'il avait besoin de son frère, mais ça ne s'annonçait pas très bien. Il prit donc quelques secondes pour réfléchir avant de répondre :

« Mon frère est une tête de mule, il me déteste et je suis sur qu'il ne sait même pas pourquoi. Ca a commencé lorsqu'il avait dix ans, il m'en voulait que je sois allé à Poudlard et que je le laisse à la maison seul. Avant ça on s'entendait très bien et mes parents n'étaient d'ailleurs presque jamais sur mon dos. Puis au fur et à mesure il a commencé à créer un certaine jalousie pour moi, peut-être parce que j'avais plus d'amis que lui et de meilleures notes, mais Athanor n'est pas stupide, loin de là ! Il pourrait travailler s'il était moins fainéant et j'ai essayé de lui dire, mais franchement c'est comme parler à un mur. »

Il se faisait toujours remballer et il n'y avait pas une seule journée sans qu'ils se disputent ou s'envoient des piques pleines de haine. Mais c'était la vie et la vie de famille n'était pas vraiment quelque chose de tout repos. Cela demandait beaucoup d'investissement et Athanor avait peut-être fini par baisser les bras.. Camille se mit en tailleur et regarda Paulina gratter quelque chose sur son parchemin et elle leva les yeux tout en posant sa question suivante :

« Raconte moi ta vie à Poudlard, dans quelle maison es-tu allé et comment ça se passe là-bas ? »

Camille se sentait bien à Poudlard, c'était d'ailleurs sa seconde maison. Ce n'était pas très difficile en même temps, le monde magique était magnifique et pour rien au monde ne voulait-il se débarrasser de ses pouvoirs. C'était un privilège et il était d'ailleurs très bon en magie. On l'avait envoyé à Serdaigle pour son côté ambitieux, mais aussi logique et malin, compétitif il aimait avoir les meilleures notes. Ne pas être bon signifiait être faible et vulnérable et c'est tout ce que Camille détestait. Complètement obnubilé par son travail et ses notes, les deux premières années avaient été plutôt difficile. Mais avec le temps il s'était adapté et commençait à se faire des amis, puis à s'ouvrir et ne plus être ce bloc de glace impossible à briser. Ses années à Poudlard avaient été magnifiques, mais il voulait partir et commencer sa vie adulte, tout simplement parce qu'il en avait marre et qu'il aimait l'aventure. Il vit que Paulina attrapa sa plume et commença à répondre :

« J'ai été envoyé à Serdaigle, je suppose que c'est parce que je suis calculateur et que j'aime avoir de bonnes notes et travailler. Je ne veux pas être mauvais et je sais que je suis intelligent et je ne dis pas ça pour me venter ! J'avoue avoir eu du mal à m'intégrer au début, puis j'ai commencé à m'adapter et me trouver une bande d'amis. Le problème c'est que c'est toujours très superficiel, j'écoute les autres, j'essaye de les aider, mais au fond moi je ne parle jamais, je ne me confie jamais. J'intériorise et puis c'est tout.. »

Elle leva les sourcils et hocha de la tête tout en le regardant, elle avait l'air sceptique, à croire que quelque chose n'allait pas. Mais en réalité, Camille voyait bien que sa vie avait l'air si parfaite, son frère le jalousait, ses parents l'aimaient, il avait de bonnes notes, des amis et pourtant il ne se sentait pas à sa place. C'est un homme qui voulait tout contrôler, ne jamais se laisser aller, faire des bêtises n'était pas son truc. Il aimait tenir tête à ses professeurs, mais c'était souvent pour défendre son point de vue ou encore sa dignité. Il n'avait rien de surprenant, ne serait-ce cette part de mystère qu'il gardait en lui. Parfois on pouvait le prendre pour un garçon arrogant et fier, complètement idiot et compétitif, mais il savait qu'il y avait quelque chose d'autre derrière, mais quoi ? Un gamin blessé dans son amour propre ? Étouffé par ses parents, par sa vie, par ce contrôle incessant ? Lui même ne pouvait pas y répondre, il était dans une impasse et ne savait pas comment en sortir, seul ses cauchemars le tenaient encore éveillés. Paulina posa sa plume à côté d'elle et dit :

« Je pense que tu intériorises trop Camille. Tu as ce quelque chose de bluffant et intimidant, même quand tu parles de ce que tu ressens tu es sur la réserve. Tu n'aimes pas qu'on te donne des ordres et tu n'aimes pas non plus enfreindre les règles, car tout doit aller dans le sens que tu souhaites. Je pense que tu es frustré, parce qu'une part de toi souhaite sortir de cette coquille, mais l'autre veut s'assurer un futur tout tracé. Dis-moi, comment ça se passe à Poudlard, avec les filles, tu dois bien avoir des histoires d'amour je me trompe ? »

Camille savait que c'était un sujet sensible et il ne préférait ne pas répondre à cette question, puisqu'il s'interdisait de s'intéresser à une fille, tout simplement parce que l'amour allait le déconcentrer. Mais il y avait bien cette fille, elle était dans sa maison, elle était magnifique et si.. spéciale. Elle adorait faire la folle, tout en restant sérieuse, extravagante et pourtant sur la retenue. Elle était une contradiction à elle toute seule, mais c'était ça qui plaisait tant au jeune homme. Elle était ce qu'il ne pourrait jamais avoir, l'amusement, la bêtise, la désinvolture et surtout la folie. Magnifique et courtisée par tant de garçons qu'il était impossible pour Camille de l'approcher, mais il préférait l'observer de loin, car c'était de toute façon la seule solution, mais il savait qu'il pouvait le dire à Paulina :

« J'avoue, il y a bien cette fille. Je ne sais pas pourquoi, mais elle m'attire, elle est si.. lointaine. Je ne sais pas si je m'exprime comme il faut, mais elle est tout le contraire de moi et c'est ça que j'aime. Elle est intelligente et sait ce qu'elle veut, tout en restant extravertie et ouverte, elle n'a sûrement aucun secret. Mais je ne lui cours pas après, ça ne sert à rien, l'amour ne fait que détruire ou encore blesser et je ne pense pas que j'ai besoin de ça vous voyez ? »

Paulina leva soudainement les yeux, quelque chose dans son visage trahissait une réponse. Cette fille pouvait-elle être le démon de ses cauchemars ? Elles avaient quelques similitudes, mais ce n'était pas elle, du moins les traits de son visage ne lui disaient rien, peut-être parce qu'il ne se rappelait jamais de la tête de la fille à son réveil. La psychologue se pencha un peu, comme si elle allait lui faire une confidence et dit plus sérieusement :

« Je pense que tu devrais aller lui parler, non pas parce que tu vas tomber amoureux ou quelque chose dans le genre, mais rester avec des personnes que tu ne connais pas encore peuvent te faire du bien ! »

Camille hocha de la tête, elle avait peut-être raison, mais le courage lui manquait. Il n'aimait pas courir après des gens et cette fille était intimidante, encore plus que lui, alors tant qu'à faire, il resterait dans l'ombre. L'interrogatoire menait à sa fin et le Serdaigle avait peur du résultat, il avait peur qu'elle sache ce qu'il avait, même s'il en doutait, alors elle prit à nouveau la parle et poursuivit :

« Je ne sais pas encore ce que tu as Camille, mais je vais trouver. Nous allons essayé de nous voir plus souvent d'accord ? Et surtout je veux que tu réfléchisses à ton cauchemar, que tu essayes de te rappeler du visage de la jeune fille. Puis tu dois arrêter de tout vouloir contrôler et peut-être que d'aller parler à cette fille va t'aider ! Sur ce je dois m'en aller, mais nous nous revoyons dans une semaine d'accord ? »

Camille hocha de la tête, puis se leva quelque peu déçu. Mais après tout c'était la vie et il allait devoir se montrer patient, mais d'avoir parlé lui faisait beaucoup de bien, plus qu'il ne l'aurait pensé !

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